Ils aspirent à être élus premier ministre du Québec, le 3 octobre. Au cours des derniers jours, les chefs des cinq principaux partis ont répondu aux questions de nos journalistes.

(Rimouski) Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon mise tout sur la langue et l’indépendance, et il ne le cache pas. Les 100 premiers jours d’un gouvernement péquiste verraient le lancement de plusieurs études sur la souveraineté et le dépôt d’une réforme de la loi 101, en plus de mesures pour contrer les « urgences sociales » comme la crise du logement.

« La première grande réforme qui va avoir lieu dans les 100 premiers jours, c’est la rénovation de la loi 101 pour réellement renverser le déclin du français. Dans ces 100 jours, on va déclencher les études d’actualisation de plusieurs questions entourant l’indépendance du Québec », a-t-il lancé en entrevue avec La Presse.

Son parti prévoit investir 75 millions par année pour ces recherches, notamment sur « la monnaie, l’armée » et sur les étapes d’une accession à la souveraineté. Ces sommes seraient aussi investies dans le développement des liens commerciaux « avant et après, pour que l’économie du Québec profite de l’indépendance » et pour « minimiser les risques ».

Le chef péquiste estime par ailleurs que l’accession du Québec à plusieurs organisations et traités internationaux est plus facile aujourd’hui qu’à l’époque de René Lévesque et de Jacques Parizeau, en raison d’une « standardisation des ententes ». Lorsque les études seront publiées, certains éléments seront « choisis démocratiquement » et permettront de préparer la démarche référendaire.

« Urgences sociales »

M. St-Pierre Plamondon agirait également rapidement sur les « urgences sociales » que son parti a relevées : la crise du logement ; le chantier des places en CPE ; la mise en œuvre d’un plan pour assurer la dignité des aînés ; enfin, l’aide aux Québécois pour lutter contre les effets de l’inflation.

Durant l’entrevue, le chef péquiste s’évertue à présenter la souveraineté comme un projet d’actualité qui parle à la jeunesse. Il utilise même la popularité de Québec solidaire (QS) chez les jeunes pour appuyer cette affirmation. Dans un sondage récent, dit-il, « les deux partis indépendantistes [le Parti québécois et Québec solidaire] recueillaient plus de 50 % du vote dans la section jeune », dit-il.

Mais cette affirmation entre directement en contradiction avec un autre message du chef péquiste : Québec solidaire, dit-il, est majoritairement soutenu par des fédéralistes et ce parti ne s’intéresse pas vraiment à l’indépendance. « D’une certaine manière, en effet », a-t-il reconnu. Il estime que près de 55 % des électeurs de QS sont fédéralistes et sont attirés par ce parti parce qu’il cache son option souverainiste, notamment dans ses communications en anglais.

De nombreux observateurs ont remarqué que Paul St-Pierre Plamondon et Gabriel Nadeau-Dubois s’entendaient sur plusieurs sujets lors des débats des chefs. Mais il existe une « grosse distinction » entre les deux, affirme le chef péquiste : la protection du français.

Le Parti québécois, par exemple, veut que la loi 101 s’applique aux cégeps, ce que QS a écarté. Les indépendantistes ont donc le choix entre « un Québec vert qui s’anglicise, et un Québec vert qui a le français comme langue commune et durable », a dit M. St-Pierre Plamondon.

Rebond

Le chef péquiste prédit également que son parti ne connaîtra pas une dégelée électorale comme en 2018 (17 %, 10 députés). Le PQ ne sera pas derrière cette marque « pour longtemps », a-t-il dit, en réfléchissant sur sa remontée dans les sondages. Comment explique-t-il ce rebond ? « Dans les débats, je me suis permis de soulever ce qui ne fonctionne pas avec la CAQ de manière très très claire, mais en demeurant respectueux », croit-il.

Même retenue dans le domaine de l’immigration, dit-il. Il met de l’avant une plateforme qui propose une réduction du nombre d’immigrants, à 35 000 personnes par année. Mais il en parle « avec le sens des responsabilités ».

On peut dire une phrase comme : à 50 000 immigrants reçus par année, le français va continuer à décliner. On peut dire qu’il n’y a pas de durabilité pour le français à ce seuil-là. C’est une idée politique. Vous ne m’entendrez jamais utiliser des mots qui génèrent des sentiments négatifs entourant les nouveaux Québécois.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

« Et c’est là que je suis vraiment en désaccord avec ce que la CAQ a fait dans cette campagne, à plusieurs reprises. Ça relève de stratégies qui ne sont pas loin de la panique. À défaut d’avoir des solutions durables pour le français, on y va avec des superlatifs. C’est au détriment du climat social », dénonce-t-il.

L’anneau unique et le mode de scrutin

« C’est comme l’anneau dans Le seigneur des anneaux. C’est comme s’il y avait une tentation du pouvoir qui empêchait cette réforme […], cette idée d’advenir », dit Paul St-Pierre Plamondon en entrevue.

Le chef péquiste est un fervent partisan de la réforme du mode de scrutin. Plus tôt en journée, il a souligné que la distorsion qu’il provoque pourrait priver le Parti conservateur du Québec d’élus à l’Assemblée nationale malgré un appui populaire non négligeable. Il a pris la défense du chef Éric Duhaime. Des voix qui ne sont pas entendues au Parlement risquent d’affecter le tissu social et de provoquer des manifestations, croit-il.

Et cette réforme, promise puis abandonnée par François Legault lorsqu’il a accédé au pouvoir, réglerait plusieurs problèmes politiques. Il croit que la fusion entre les deux partis indépendantistes, Québec solidaire et le Parti québécois n’est ni possible ni souhaitable. Elle n’est discutée qu’en raison des travers du mode de scrutin uninominal à un tour.

« Ce n’est pas en tentant de superposer deux partis qui ne pensent pas la même chose sur plusieurs enjeux qu’on va y arriver, mais en réformant le mode de scrutin », a-t-il dit. Il estime que l’émergence de plusieurs partis politiques, et une campagne à cinq forceront une « prise de conscience plus grande » sur cette question.

Sa sortie lui a valu les remerciements d’Éric Duhaime : « Merci à PSPP de reconnaître qu’il est important que les idées conservatrices soient représentées à l’Assemblée nationale », a écrit sur les médias sociaux le chef du Parti conservateur.

« J’ai très, très peu en commun avec les conservateurs sur le plan des idées. Mais je pense que si un parti obtient 15 % dans les sondages, il mérite d’être entendu à l’Assemblée nationale. Il mérite un espace. Sinon, ce n’est pas légitime. Même quand on n’est pas d’accord, un parti qui représente la voix de plusieurs citoyens doit être entendu et obtenir son espace à l’Assemblée nationale », a dénoncé M. St-Pierre Plamondon lors d’une conférence de presse à Québec.