L’auteur réplique au titulaire de la chaire de gestion des arts HEC Montréal, dont les textes ont été publiés le 7 mars et le 1er avril1,2.

Si le fondateur du Festival international de jazz de Montréal, Alain Simard, a eu l’occasion de démonter les arguments avancés dans la première missive du titulaire de la chaire de gestion des arts HEC Montréal, je me permets à mon tour de rectifier les choses, principalement en ce qui concerne la seconde publication, en insistant sur trois aspects.

À travers « Divertissement gratuit pour adultes consentants »2, l’on saisit mieux ce qui motive tant son auteur, François Colbert, à prendre ici la plume à répétition : les festivals présentés gratuitement donneraient dans une forme de sous-culture qui ne trouve pas grâce à ses yeux, le simple « divertissement » qui, par opposition aux arts, si chers à sa chaire, « éduquent » (le mot est de lui) le peuple ignare. Surtout, ne soyons pas de mauvaise foi en présumant que M. Colbert souhaite que l’État cesse de subventionner les festivals et leurs volets gratuits pour, enfin, rediriger les sommes vers ces mêmes nobles arts.

Où tracerait-il la ligne, si cela s’avérait ? Alors que, par exemple, la Virée classique de l’OSM présente elle-même une centaine d’activités gratuites à chacune de ses éditions et remplit parfaitement la condition édictée par M. Colbert lui-même de « protéger le patrimoine » qui se perdrait s’il n’était pas joué ? Jetons aussi un œil sur quelques récentes têtes d’affiche des festivals auxquels s’en prend le professeur et classons-les toutes dans la catégorie du « divertissement », comme il le commande : Cœur de pirate, Jean-Michel Blais et Robert Charlebois. Faudrait-il enfin y inclure d’un bloc toute la programmation du Festival international Présence autochtone ? Et que dire de la relève qui trouve souvent dans ces volets un tout premier public ?

« Méfiez-vous des gens qui disent aimer le peuple mais qui détestent tout ce que le peuple aime », disait René Lévesque.

Une chronologie qui fait défaut

En relatant l’histoire du Quartier des spectacles, M. Colbert réduit délibérément le rôle des grands festivals qui « n’ont fait que s’ajouter à ça », de la construction de la Place des Arts à la Maison symphonique, ouverte en 2011.

Dès 2008, doit-on pourtant le rappeler, la place des Festivals a été annoncée puis inaugurée, participant incontestablement à l’essor immobilier et commercial dans les environs.

En 2018, la Ville de Montréal dévoilait une étude qui révélait que depuis 2007, soit depuis le début de la revitalisation urbaine qui a accompagné l’arrivée de la même Place, pas moins de 60 projets immobiliers avaient eu un impact économique de 2,2 milliards, avec des investissements de construction de 1,5 milliard, générant des revenus de taxations foncière et scolaire pouvant atteindre 449 millions.

Et c’était avant l’avènement du plus gros projet, le Maestria, dont l’argument principal de vente est qu’il vous « entraîne aux premières loges face à la place des Festivals ». Il n’est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre parler du rôle qu’ont pu jouer les évènements dans cette dynamique, comme dans la croissance du tourisme à Montréal.

Un internationalisme sélectif

Afin de justifier son refus de soutenir financièrement les festivals et leurs volets présentés gratuitement, M. Colbert nous sert un exemple colombien auquel il y a lieu d’opposer une étude européenne, plus près de nous. Il y a une dizaine d’années, un chercheur français, Emmanuel Négrier, avait conclu que les subventions sur la portion outre-Atlantique représentaient 45 % des revenus, alors qu’ils comptaient pour 39,5 % dans un sous-groupe québécois. Au sein du REMI, de nos jours, les subventions représentent environ 18 %, et ce, dans toutes sortes de disciplines.

C’est avec fierté, je crois, que les Montréalais (et les Québécois de façon générale) animent l’espace public durant l’été. En y mettant collectivement les ressources nécessaires, via l’État et les gouvernements de proximité, ils souhaitent définir leur ville sur la scène internationale comme en étant une où il fait bon vivre. Et ils consentent largement à célébrer la vitalité de leur propre culture, tout en allant aussi à la rencontre de l’autre, fut-il sur scène ou dans la rue, à leurs côtés.

1. Lisez « Le festival Juste pour rire… et après ? » 2. Lisez « Divertissement gratuit pour adultes consentants » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue