Nous vivons une période caractérisée par des bouleversements constants et majeurs. De la pandémie de COVID-19 aux guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, jusqu’aux fluctuations imprévisibles de l’inflation et des taux d’intérêt, il est normal que les gens redoutent les effets néfastes de cette nouvelle instabilité.

J’ai eu le privilège de gérer les finances publiques au Canada. Je comprends très bien les défis auxquels les ministres des Finances sont confrontés aujourd’hui.

Ces bouleversements mondiaux auxquels nous sommes confrontés exercent non seulement une immense pression budgétaire sur l’État, mais ils représentent aussi un obstacle considérable à notre prospérité collective.

Nos objectifs doivent être clairs : nous devons retourner à une gestion plus rigoureuse des finances publiques et mettre de l’avant des politiques publiques qui vont favoriser la croissance économique.

Au Canada, la productivité stagne et notre PIB par habitant est en déclin. À l’échelle mondiale, trois principales tendances nous condamnent à faire croître notre économie : d’une part, le vieillissement de la population, la crise climatique, l’instabilité géopolitique et la réconciliation avec les peuples autochtones sont des réalités incontournables que nous ne pouvons pas ignorer.

D’autre part, face à des chocs macroéconomiques plus fréquents, les pressions budgétaires auxquelles les gouvernements seront confrontés seront constantes et considérables.

Enfin, des taux d’intérêt plus élevés et la décélération de la croissance à long terme diminueront la marge de manœuvre dont disposent les gouvernements. C’est déjà le cas maintenant. Lorsque l’économie croît à un rythme plus rapide que le coût de l’emprunt, comme c’était le cas lorsque j’étais ministre des Finances, il est plus facile de gérer le fardeau de la dette. Ce n’est plus le cas en ce moment.

Ces trois tendances convergentes présentent un risque important de diminuer davantage les investissements des secteurs publics et privés dont nous avons besoin pour rendre notre économie plus productive.

À la recherche du juste équilibre

Le bilan récent du Canada sur ce front est mitigé. Bien que les initiatives fédérales telles que le Fonds pour accélérer la construction de logements de 4 milliards de dollars soient positives, les investissements en recherche fondamentale et industrielle seraient plus porteurs pour faire bouger l’aiguille en matière de productivité. Bien que l’intention soit louable, les dépenses annoncées du gouvernement fédéral en matière de soins dentaires et d’assurance médicaments n’apporteront pas de bénéfices économiques importants, en plus de poser problème sur le plan du respect des compétences provinciales.

En matière de politique industrielle, même si je reconnais à quel point il est difficile d’atteindre le bon équilibre, les subventions publiques qui se limitent à un secteur ou à quelques entreprises étrangères sont par définition plus risquées que les investissements dans l’innovation, y compris en recherche et développement.

Je ne prétends pas que de stimuler la croissance économique, financer adéquatement les programmes sociaux et rester prudent en matière de dépenses publiques est un équilibre facile à atteindre. L’environnement macroéconomique était plus propice à la réalisation de ces trois objectifs avant la pandémie. C’est beaucoup plus difficile aujourd’hui. Mais gouverner, c’est d’abord et avant tout faire des choix.

La vérité est que la prudence budgétaire et la croissance économique sont des conditions nécessaires au financement des dépenses sociales.

C’est un enjeu de synchronisation : la vigueur économique rend la dépense sociale viable et moins fragile. Une mauvaise gestion des finances publiques peut compromettre notre capacité à financer des programmes sociaux vitaux.

Les politiques publiques peuvent avoir un grand impact sur notre prospérité économique. Les dépenses publiques en matière d’infrastructures en sont un bon exemple. Mais la dépendance disproportionnée à l’égard des dépenses publiques masque aussi des défis plus profonds dans notre économie. Il reste beaucoup de travail à accomplir pour créer les conditions favorables au déploiement des capitaux privés dans l’économie canadienne, y compris en matière de lourdeur réglementaire et d’approbation des permis pour les grands projets d’investissements privés.

L’histoire nous enseigne que le progrès économique a une incidence sur le progrès social. Il faut garder le cap sur la croissance économique.

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