Je suis enseignant depuis plus ou moins 10 ans. J’ai eu l’occasion d’enseigner dans deux centres de formation professionnelle et trois cégeps distincts. Outre mon passage en tant qu’enseignant dans le réseau scolaire, j’y ai aussi passé un grand moment en tant qu’élève. C’est amplement de temps pour constater comment, lentement mais sûrement, le système scolaire a su démoniser l’échec scolaire.

L’échec, c’est non seulement important de le vivre et de l’expérimenter lorsqu’on est jeune, mais c’est essentiel à l’apprentissage. C’est une partie intégrante et importante de ce dernier, c’est porteur de leçons ou de morale. Pédagogiquement, un échec, c’est une occasion de se remettre en question, de remettre en question ses propres choix et ses priorités. C’est un temps idéal pour faire une introspection, un moment pour apprendre à connaître et reconnaître ses propres limites.

Or, le phénomène qu’on voit de plus en plus apparaître dans les différents établissements scolaires, c’est la réussite des élèves à n’importe quel prix.

On n’accepte plus que les élèves échouent. Lorsque c’est le cas, on ne questionne plus l’élève, on remet en question le professionnalisme de l’enseignant.

« Avez-vous vraiment tout mis en œuvre pour cet élève ? »

« Lui avez-vous offert de la récupération ? »

« Lui avez-vous remis des travaux supplémentaires ? »

Tant de questions qui démontrent qu’il incombe maintenant à l’enseignant de faire passer ses élèves et non plus aux élèves de réussir leurs cours. Ce transfert de responsabilité explique peut-être une partie de l’exode enseignant, d’ailleurs.

Certes, il y a évidemment des élèves qui ont de réelles difficultés malgré tous les efforts qu’ils peuvent déployer. Certains élèves vivent des difficultés d’apprentissage qui nécessitent la mise en œuvre de moyens et de stratégies pédagogiques particulières, soit. Le problème n’est pas là. Qu’il s’agisse d’un élève neurotypique ou d’un élève avec des difficultés d’apprentissage, apprendre à se relever d’un échec est un apprentissage essentiel pour être en mesure de tout simplement traverser l’océan de la vie.

Jeu risqué et confiance en soi

Récemment, on a appris que le « jeu risqué » était dorénavant recommandé par la Société canadienne de pédiatrie⁠1. L’un des premiers apports du jeu risqué chez les enfants est une baisse de l’anxiété et une amélioration de la confiance en soi. J’aurais tendance à avancer la même chose avec l’échec scolaire.

Je ne me prétends pas pédiatre ni psychologue, loin de là. Cela étant dit, lorsqu’on apprend à se relever d’un échec, on gagne en estime de soi, à mon avis. On réalise que l’échec n’est pas une finalité, mais une partie du chemin qu’il faut traverser pour mettre un peu plus de connaissance et de sagesse dans le packsack qu’on traînera pour le reste de notre vie.

Le modèle du financement scolaire n’aide pas. Paradoxalement, je me demande s’il n’est pas, lui-même, voué à l’échec.

Dans certains établissements scolaires où j’ai travaillé, on obtient du financement du gouvernement en fonction du taux de réussite des élèves. De quoi vous donner envie de revoir vos critères d’évaluation à la baisse lorsque le budget de l’établissement scolaire est constamment dans le rouge…

Tout cela se passe insidieusement. Aucune direction scolaire ne se vantera de vendre le savoir de ses élèves pour une « couple de piastres », mais c’est quand même ça qui se passe. On pousse les enseignants à écrire 60 % sur la copie d’examen parce que ça rapporte…

Mais est-ce que ça rapporte vraiment à la société ?

1. Lisez « Le développement sain de l’enfant par le jeu risqué extérieur : un équilibre à trouver avec la prévention des blessures » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue