On assiste dernièrement à un regain du français à certains endroits en Amérique où cette langue a déjà été prédominante. En Louisiane, l’essor des cours de français prend du galon et dans certaines communautés hors Québec on joue sur la carte de la francophonie pour attirer de nouveaux arrivants.

Cependant, le français en Amérique n’a jamais autant la cote que lorsqu’il est folklorisé. Il atteint ainsi son statut de respectabilité, ses lettres de noblesse et son pouvoir de séduction. Qui parle de folklore sous-entend la perte d’une culture vivante pour la reléguer au rang du pittoresque, de l’inoffensif. La mairesse Valérie Plante l’a bien compris en instaurant son quartier de la francophonie à Montréal. Le Quartier latin devient village gaulois. Il fallait y penser.

On peut aussi s’émouvoir (avec raison) de cette belle initiative d’un jeune moniteur de langue seconde québécois établi au creux des falaises grandioses et sauvages de Gros-Morne à Terre-Neuve.

Ce moniteur de langue seconde est également devenu animateur à une radio communautaire à Norris Point où il fait écouter de la musique francophone au grand plaisir de la communauté de l’ouest de Terre-Neuve.

Récemment, la SRC en a même publié une courte nouvelle. L’idée est charmante et (me) fait rêver. Pourquoi donc le français au Québec ne fait-il plus rêver ? Pourquoi est-il devenu un fardeau et un mal nécessaire ? Quelle est cette langue abâtardie qui se veut ouverte sur le monde dans laquelle un mot de français est rapidement rattrapé par un mot en anglais ?

Aveu d’échec

Notre hideux « bonjour-hi » est une honte nationale. Un aveu d’échec et un manque d’estime de soi collectif. Il y a 10 ans, à Casablanca, mes élèves marocains, amoureux de Montréal, s’amusaient bien de ce bilinguisme caricatural. La tendance ne s’est pas résorbée et devient de plus en plus irritante. Un néologisme bien de chez nous suscité par la peur de déplaire et l’ignorance de posséder un trésor qui fait l’originalité de notre société. Et que dire de mes cours de pilates désormais donnés en « bilingue » même si tous les participants parlent ou comprennent le français. Un-one, deux-two, trois-three….

À tout traduire ainsi, on oublie le plaisir de l’effort de celles et ceux qui veulent apprendre notre langue commune, le français.

Lorsque j’étais au Japon, l’année dernière, je suivais des cours de pilates… en japonais. Je me sentais fière de mes progrès, tant sur le plan physique que linguistique. Mon corps gagnait du tonus, mon vocabulaire aussi. S’il y avait incompréhension de ma part, on prenait la peine de me montrer les gestes à faire avec quelques mots d’anglais. On ne se mettait pas à plat ventre pour m’expliquer des gestes et des techniques que j’apprenais par mimétisme.

Une langue s’apprend à force d’effort et de motivation. C’est à nous, francophones d’Amérique, de la rendre désirable. Faudra-t-il attendre qu’elle en soit au stade de folklorisation pour la faire renaître de ses cendres et la rendre attrayante ?