Oxfam-Québec a fait parvenir cette lettre à Justin Trudeau le 1er décembre pour lui demander de mobiliser la communauté internationale afin d’exiger un cessez-le-feu permanent à Gaza.

Monsieur le premier ministre,

Au nom d’Oxfam Canada et Québec et des 95 000 personnes qui ont signé notre pétition, nous vous demandons de mobiliser la communauté internationale afin d’exiger que la trêve humanitaire entamée le 24 novembre aboutisse enfin à un cessez-le-feu total et permanent auprès des parties belligérantes à Gaza et non pas à une reprise des hostilités qui a eu lieu [le 1er décembre].

Considérant que, depuis le début du conflit, un enfant meurt toutes les 10 minutes, les 6 jours de trêve nous permettent d’espérer que 1008 enfants auront été épargnés par les bombes, et leurs familles tout autant.

Si une centaine de femmes accouchaient tous les jours jusqu’alors dans des conditions effroyables, la plupart à même le sol et sans aucune ressource médicale, ce sont donc plus de 700 d’entre elles qui auront pu mettre au monde leur bébé à l’abri des attaques incessantes.

Nous sommes absolument convaincues que le cessez-le-feu permanent et total représente l’unique voie pérenne pour mettre un terme aux pertes de vies civiles, aux destructions sans précédent et aux privations inhumaines imposées à une population entière par un siège total qui bafoue le droit international humanitaire.

Nous nous réjouissons que cette pause des hostilités ait permis la libération de 61 Israéliens, et 20 ressortissants étrangers ainsi que la libération de 180 Palestiniens. Ces remises en liberté font partie de nos demandes depuis le début du conflit, à titre d’organisations humanitaires.

Soulagement éphémère

Certes, cette trêve humanitaire a offert un répit bienvenu pour faire le deuil des proches disparus et recevoir peut-être un peu d’aide, mais bien trop peu en regard des vastes besoins et de l’hiver qui approche. En effet, dans le contexte exceptionnel de destruction massive de Gaza où près de 60 % des logements sont inhabitables, où 60 % des infrastructures de santé sont dysfonctionnelles et où de nombreuses routes sont détruites ou jonchées de décombres, cette courte pause n’a constitué qu’un soulagement éphémère.

Il aurait fallu plusieurs semaines pour distribuer l’aide nécessaire à travers toute la bande de Gaza. Reconstituer les réserves alimentaires et médicales, réparer les infrastructures d’eau et reconstruire les habitations demandent du temps non seulement pour la logistique, mais aussi pour rétablir la confiance.

Sans garantie de durabilité, les habitants de Gaza sont terrifiés à l’idée de sortir chercher de l’aide, et l’insécurité ambiante entrave la reconstruction des zones dévastées.

La reprise des bombardements ne fait que le confirmer, ayant dans les premières heures déjà tué 70 personnes, dont une majorité de femmes et d’enfants.

Votre gouvernement a rapidement démontré sa solidarité envers les populations israélienne et palestinienne en fournissant une aide financière de 60 millions de dollars pour répondre aux besoins urgents à Gaza, en Cisjordanie et dans les régions avoisinantes. Cependant, malgré l’indéniable nécessité de cette solidarité affichée, elle s’avère vaine et illusoire d’un point de vue opérationnel sans garantie d’un cessez-le-feu total et permanent, comme nous le voyons aujourd’hui.

Nous venons d’assister à des destructions massives ayant coûté la vie à plus de 15 000 personnes dont 70 % de femmes et d’enfants à Gaza depuis le début des attaques indiscriminées et disproportionnées de l’armée israélienne, en réponse aux attaques indiscriminées du Hamas tuant 1200 Israéliens. De plus, Gaza subit un siège depuis le 9 octobre et la population vit sans électricité, sans carburant, sans renouvellement des stocks d’eau et de nourriture. Oxfam en conclut que la faim est utilisée comme arme de guerre, ce qui est proscrit par le droit international humanitaire.

Récemment, le Canada a réaffirmé son appel à la protection des civils, du personnel humanitaire et des infrastructures civiles, conformément au droit international humanitaire. Mais que valent ces principes si le Canada n’est pas en mesure d’en demander en toute circonstance le respect et la mise en œuvre ?

Monsieur le premier ministre, au-delà de la nécessité opérationnelle d’un cessez-le-feu permettant l’aide humanitaire à la hauteur des besoins, les principes fondamentaux sur lesquels s’appuie le Canada doivent prévaloir, et ce, particulièrement dans les situations complexes et difficiles. La crédibilité morale du Canada et de celle des pays occidentaux est en jeu dans le monde si leurs leaders appliquent les principes des droits de la personne à la carte.

Un cessez-le-feu total et permanent maintenant est la seule solution pour protéger les civils, reconstruire leurs maisons et leur espoir. Il est plus que temps que le Canada l’exige et offre une perspective de paix et de sécurité pour les Palestiniens comme pour les Israéliens.

Nous demandons en particulier à votre gouvernement de :

– exiger un cessez-le-feu permanent et total dès aujourd’hui ;

– demander l’ouverture d’autres points d’entrée pour livrer l’aide ;

– faire cesser le siège et permettre la réouverture des services d’électricité et de carburant ;

– porter une aide ciblée aux femmes et aux filles pour limiter la violence dont elles sont victimes et restituer leur accès à la santé sexuelle et reproductive ;

– faire pression pour le rétablissement des activités commerciales à Gaza ;

– exiger que cessent les violences en Cisjordanie.

Oxfam Canada et Oxfam-Québec sont prêtes à intervenir sur place dès que les conditions le permettront. Nous sommes présents depuis les années 1950 dans cette région et nous ne pouvons que souhaiter la fin de ces cycles répétés de guerre-trêve-reconstruction.