Si l'étoile de Dustin Hoffman a pâli récemment à Hollywood, il serait toutefois déplorable de passer sous silence le 50e anniversaire du film qui a lancé sa carrière. En décembre 1967, The Graduate prenait l'affiche en Amérique du Nord. Quelque 100 millions de dollars et des tonnes de prix plus tard, le deuxième long métrage du réalisateur Mike Nichols est devenu culte et emblématique de la génération des boomers. Voici sept raisons pour voir ou revoir ce film indémodable.

La jeunesse éternelle

En interprétant Benjamin Braddock, un étudiant de 21 ans qui cherche un sens à sa vie, Dustin Hoffman ne fait pas que percer l'écran par sa fougue et son charisme : il incarne la révolte et la jeunesse de l'époque qui rejeta - tout d'un bloc - les valeurs des parents. Mariage, religion, matérialisme, société de consommation et conformisme bourgeois, tout y passe à travers cette histoire de conflit de générations et de triangle amoureux aux allures de descente aux enfers. Un demi-siècle plus tard, l'histoire de ce jeune diplômé universitaire qui traîne son spleen dans la banlieue dorée de Los Angeles demeure aussi pertinente à l'ère de Donald Trump.

L'opération séduction de Mrs. Robinson

«Est-ce que vous essayez de me séduire, Mrs. Robinson?» Réalisée avec brio par ce grand directeur d'acteurs qu'était Mike Nichols (lauréat de l'Oscar et du Golden Globe du meilleur réalisateur en 1968), la courte scène où Benjamin se retrouve chez Madame Robinson est une pièce d'anthologie du cinéma et une classe de maîtres à la fois. Bien qu'Anne Bancroft et Hoffman aient à peine cinq ans de différence, leur jeu nous fait tout de suite croire à la relation naissante entre une femme mariée et «alcoolique» et un jeune puceau maladroit. La caméra oscille entre l'un et l'autre en une valse-hésitation jusqu'au cadrage entre les jambes d'Anne Bancroft.

Jouissif! Selon AlloCiné, le réalisateur avait sollicité Jeanne Moreau pour le rôle, «mais celle-ci déclina l'offre parce qu'elle n'aimait pas le personnage», ce qu'elle aurait regretté par la suite. Mrs. Robinson ne porte que des tenues avec des motifs animaliers, ou en cuir. Elle est féline, fardée, mais d'une beauté glaciale. Une Blanche DuBois californienne qui aurait noyé son excentricité dans l'alcool et les bains de soleil. Bref, un très beau personnage et une interprétation inoubliable!

La musique de Simon & Garfunkel

C'est sans doute la meilleure trame sonore de l'histoire du cinéma américain, avec des tubes immortels comme de The Sound of Silence, April Come She Will, Scarborough Fair et, bien sûr, Mrs. Robinson, qu'on fredonne depuis sa création. Durant la préparation du film, Mike Nichols, fan du duo, communique d'abord avec les musiciens pour le générique. À l'époque, Paul Simon lui propose l'air de Mrs. Robinson qu'il a intitulé Mrs. Roosevelt, du nom de l'ex-première dame des États-Unis. La ressemblance de «Roosevelt» et «Robinson» saute aux yeux. Le reste fait partie de l'histoire de la musique et du cinéma. Avec le succès du film, le duo connaît aussi une popularité planétaire.

La réplique qui tue...

«One word: plastics!» C'est le conseil que M. McGuire donne à Benjamin. Ami de son père, il prend à part le jeune homme, le jour de sa fête de fin d'études, pour lui dire «un mot».

 - Est-ce que tu m'écoutes, Ben?

 - Oui, monsieur.

 - Plastics!

 - Que voulez-vous dire exactement?

 - Il y a un formidable avenir dans le plastique. Penses-y bien, Ben. Assez parlé, affaire conclue.

La satire sociale

La scène à la réception de l'hôtel avec le commis (Buck Henry, aussi coscénariste du film) est du grand boulevard! À sa première date avec Mrs. Robinson, Benjamin s'enregistre à la réception de l'hôtel. La scène n'aurait pas été reniée par Feydeau ou Labiche. En guise de bagages, Benjamin déclare qu'il n'a que sa brosse à dents dans la voiture... mais qu'il est inutile de déranger le porteur parce qu'il peut s'en occuper seul. Trop timide, il appelle Mrs. Robinson d'une cabine téléphonique pour lui dire que leur chambre est réservée... et il oublie de lui donner le numéro. Derrière cet humour de guignol, The Graduate fait un pied de nez à l'hypocrisie d'une époque où l'adultère était courant, pourvu qu'il demeure dans le placard.

La finesse psychologique

Satire sociale, The Graduate n'en demeure pas moins un drame sur le vide, la perte de repères et de sens d'un monde qui ne vit que pour (et par) la consommation. Tout glisse sur l'âme de Benjamin comme de l'eau sur le dos d'un canard... Jusqu'au jour où il rencontre l'amour. Or, l'objet de son affection est... la fille de sa maîtresse. Dans la scène où Mrs. Robinson l'oblige à briser sa relation avec Elaine en menaçant de tout dévoiler à sa fille, on nage dans l'univers psychologique de Bergman. Tandis que Benjamin dévoile à Elaine l'identité de la femme avec qui il a perdu sa virginité, Anne Bancroft, le regard hagard, qu'on voit filmée dans l'entrebâillement de la porte, est atterrée. On nage dans la tragédie grecque!

La fin ouverte

Amoureux éconduit, Benjamin fera tout pour reconquérir l'amour, tel Ulysse qui cherche à revenir à Ithaque. Dans sa quête de liberté, il n'hésite pas à déclarer la guerre aux adultes sur son chemin. Jusqu'à interrompre la cérémonie de mariage d'Elaine (avec un mari bien choisi par la famille). Après avoir déclenché une émeute dans l'église, Benjamin prend la fuite avec Elaine, en robe de mariée. Le couple se réfugie à l'arrière d'un autobus bondé de passagers (qui ont le double de son âge). Au lieu du happy end anticipé, le film se conclut sur une note ambiguë. Qui a dit que l'avenir est un jardin de roses? Même à l'époque du flower power...

À lire...

Seduced by Mrs. Robinson: How The Graduate Became the Touchstone of a Generation par Beverly Gray (en anglais).

Photo fournie par MGM Studios

Dustin Hoffman dans The Graduate