Des avant-premières ont aussi été organisées dans plusieurs villes de province, et Xavier Dolan s'est arrêté dans trois d'entre elles: Bordeaux, Toulouse et Nantes. La Presse a assisté à celles qui ont eu lieu dans la célèbre capitale de l'Aquitaine.

Le TGV est arrivé à la gare Bordeaux Saint-Jean à la fin de l'après-midi. Xavier Dolan a à peine eu le temps de poser ses valises avant d'entreprendre une tournée de cinq complexes multisalles. Dans les trois premiers, il présente Juste la fin du monde avant la séance. Dans les deux derniers, des «débats» sur son film sont prévus après les projections. Tout est évidemment coordonné de telle sorte que l'horaire soit respecté d'une salle à l'autre. Partout, les billets ont été vendus depuis longtemps.

Ces salles combles - parfois très grandes - indiquent que le phénomène Dolan s'est répandu bien au-delà de Paris et des cercles cinéphiles. Le cinéaste est d'ailleurs seul pour assurer les présentations à Bordeaux et à Nantes. Gaspard Ulliel est venu le rejoindre à Toulouse.

Un lien intime

Au Méga CGR français, où avait lieu le premier débat, des spectateurs émus tenaient à évoquer le lien intime qu'ils entretiennent avec les films de Xavier Dolan: «Tu nous mets dans tous nos états, pouvait-on les entendre dire. Votre cinéma nous accompagne tous les jours. Merci de changer nos vies!» Après l'échange, un groupe de jeunes filles tremblantes s'est avancé vers la scène pour obtenir un autographe, prendre un égoportrait, peut-être même le toucher.

Dans la voiture qui le conduit d'un cinéma à l'autre, Xavier Dolan nous explique que la stratégie de lancement de Mommy avait été relativement semblable, mais que celle de Juste la fin du monde prend une dimension encore plus grande.

«Je me souviens être allé à Lyon et à Lille, rappelle-t-il. Mais on ne faisait que deux cinémas. Là, c'est une autre histoire. Je sens l'énergie des gens, leur enthousiasme, leur générosité. L'horaire de cette opération ne me dérange pas. C'est tout ce qui est venu avant qui épuise: les interviews, les radios, les déplacements. Mais j'aime rencontrer les gens. Et là, c'est moi qui leur parle.»

Un mystère

La passion qu'éprouve le public français pour lui reste un mystère à ses yeux.

«Peut-être est-ce dû au fait que d'aller au cinéma est un acte toujours bien intégré dans la culture des Français. Ils ciblent le film qu'ils ont envie d'aller voir, et c'est comme un rituel. Au Québec, nous sommes statistiquement moins nombreux à aller au cinéma. Ça fait moins partie de notre culture.»

Juste la fin du monde est une adaptation d'une pièce de Jean-Luc Lagarce, un auteur français, et met en vedette une distribution cinq étoiles composée de pointures hexagonales. Est-ce à dire que le film est appelé à connaître un plus grand succès en France?

«Il est franchement tôt pour le dire, fait remarquer le cinéaste. Instinctivement, c'est sûr que la langue sera peut-être un écueil chez nous. Le Québec est moins populeux que la France aussi. Le marché est beaucoup plus petit. J'espère que les gens apprécieront le film pour ce qu'il est, sans le comparer à Mommy, qui n'a rien à voir.

«Si le film marche bien en France, poursuit-il, j'aimerais bien qu'il marche aussi chez moi. En même temps, je ne le prendrai pas personnel si jamais ça n'arrive pas. L'ADN de Juste la fin du monde est fondamentalement français. Cela dit, les films sur la famille, les films sur l'amour, les films sur la façon de communiquer les uns avec les autres sont universels. Mais oui, là, c'est un pari audacieux.»

Sincérité en toutes circonstances

À l'UGC Ciné Cité, dernière étape de l'escale bordelaise, Xavier Dolan a expliqué à un spectateur que faire du cinéma était pour lui une façon d'évacuer une violence qu'il exprimait physiquement dans sa jeunesse. Confession d'un homme qui, la veille, avait déclaré avoir fait le choix d'être ouvert émotivement. Et dont le tatouage sur le dos de la main gauche ordonne la sincérité en toutes circonstances. Envers les autres, bien sûr. Mais surtout envers lui-même. I must not tell lies.