Telle une sinistre prédiction, le scénario du film Made in France de Nicolas Boukhrief ressemble à s'y méprendre à la cavalcade du groupe de terroristes belges et français qui a conduit au massacre du 13 novembre à Paris. Ce long métrage devait sortir aujourd'hui dans plus de 100 salles en France, mais son distributeur et son producteur ont décidé de repousser l'événement. Le point sur un film d'une actualité trop brûlante.

Le synopsis

Made in France est décrit comme un «thriller-choc» qui décortique «la menace intérieure». Il raconte l'histoire de Sam, journaliste indépendant de culture musulmane, qui infiltre les milieux intégristes de la banlieue parisienne. Il se rapproche d'un groupe de quatre jeunes dont la mission est de créer une cellule djihadiste pour semer le chaos au coeur de Paris.

Double report

C'est la deuxième fois cette année que la sortie de Made in France, tourné en 2014, est déplacée. La production avait décidé de retarder le lancement la première fois après le massacre de Charlie Hebdo, en janvier dernier. Le réalisateur, un ancien journaliste, a procédé à une enquête sur le terrain pour préparer son film. M. Boukhrief a fait un terrible constat qui a orienté la manière dont il a traité le terrorisme dans Made in France: «Le danger va grandissant, a-t-il confié au site AlloCiné lors du tournage. Chaque jour, des jeunes hommes et des jeunes femmes [...] basculent dans l'islamisme. Je ne parle pas d'une armée en train de se lever en masse, pur fantasme frontiste, mais de simples individus qui se convertissent en soldats prêts à faire le djihad. Il suffit d'un seul pour tuer nombre d'innocents, ébranler le monde et, hélas, faire naître des vocations.»

Une affiche «sinistre»

L'affiche de Made in France était déjà placardée sur les murs des stations du métro parisien deux jours avant la tragédie. On pouvait y voir une kalachnikov géante posée contre la tour Eiffel. Et, au-dessus des crédits des artisans du film, cette phrase: «La menace vient de l'intérieur.» Samedi dernier, la production a décidé de retirer toutes les affiches des stations. On a aussi modifié les images des aguiches sur internet et sur le site du distributeur: plus de kalachnikov ni de phrase-choc, seulement le profil fier de la tour Eiffel dans le ciel de Paris.

L'annulation

«À la suite des événements tragiques, le distributeur Pretty Pictures et le producteur Radar Films ont immédiatement pris la décision de repousser la sortie du film», ont indiqué la société de production et le distributeur dans un communiqué. Interrogé par le magazine L'Obs, le directeur de Pretty Pictures, James Velaise, a commenté le report ainsi: «On a pris nos responsabilités. Il n'y avait aucune pression de qui que ce soit. On est sous le choc de ce qui s'est passé. Mais il n'y a aucun message ambigu dans ce film.» Le réalisateur du film n'a pas voulu commenter la nouvelle pour l'instant.

Des dommages collatéraux

Un autre film a subi les contrecoups des attentats de Paris. La première parisienne du film Jane Got a Gun, mettant en vedette Natalie Portman, devait avoir lieu lundi soir. Elle a été annulée. On a aussi annulé le «junket» avec les reporters en cinéma, les entrevues de l'actrice à la télévision et ses apparitions publiques pour toute la semaine. De plus, le film Plus fort que les bombes, dont la sortie est prévue le 9 décembre, a changé de titre hier: le distributeur parisien Memento, en accord avec le réalisateur Joachim Trier, l'a rebaptisé Back Home «afin d'éviter toute confusion sur le contenu du film». Ce film raconte la vie d'une célèbre photographe d'art (Isabelle Huppert) avec sa famille et n'a donc rien à voir avec le terrorisme.

Sources: The Hollywood Reporter, L'Obs, 7sur7.be