Pour son troisième long métrage, Francis Leclerc plonge dans l'enfance d'un baby boomer. Même si Un été sans point ni coup sûr tranche nettement sur ses longs métrages précédents, le cinéaste y voit le prolongement d'une même démarche artistique.

Aucune hésitation. Dès qu'il a lu le roman de Marc Robitaille, Un été sans point ni coup sûr, Francis Leclerc a su qu'il en ferait son prochain projet. Forcément, la décision du réalisateur d'Une jeune fille à la fenêtre et de Mémoires affectives de plonger dans cette histoire de baby boomer en a surpris plus d'un. À commencer par son propre entourage.

«C'est toujours quand on ne fait pas d'efforts particuliers qu'on trouve!», commente pourtant le réalisateur, heureux de ne pas avoir dû attendre quatre ans avant d'être emballé par une nouvelle histoire.

«Après Mémoires affectives, on ne m'offrait à réaliser que des drame familiaux très sombres. Je n'avais pas envie. Et puis, je ne veux pas refaire les mêmes choses. Dès le lendemain de la lecture de son roman, j'ai téléphoné à Marc, que je connais bien, pour lui dire que j'étais intéressé à le porter à l'écran. Il en a été le premier surpris! L'étonnement a été aussi grand quand j'ai présenté le projet aux institutions. Visiblement, ce n'était pas ce qu'on attendait de moi!»

Qu'un réalisateur âgé de 36 ans s'intéresse à une relation père-fils sur fond de baseball dans le Montréal de 1969 est en effet plutôt inattendu. Pour Leclerc, cet attrait avait pourtant un sens.

«Je me suis cassé la tête avec Mémoires affectives, dit-il. J'ai d'ailleurs revu le film récemment et il y a encore quelques affaires que j'ai du mal à comprendre moi-même! Ce qui est tout à fait correct, étant donné que c'est cohérent avec le propos. Cette fois, j'avais envie d'un récit plus linéaire. Je voulais me concentrer sur les acteurs plutôt que sur les effets de structure.»

Le récit d'Un été sans point ni coup sûr tourne ainsi autour de Martin (Pier-Luc Funk), un garçon de 12 ans qui, en cette année 1969, est très fébrile. Rêvant de jouer un jour pour les Expos, qui s'installent au Parc Jarry pour vivre leur toute première saison dans la Ligue Nationale de Baseball, Martin tente de se faire recruter par l'équipe pee-wee du coin, dirigée avec poigne par M. Turcotte (Roy Dupuis).

Martin a aussi la particularité de vivre sa treizième année d'existence dans un contexte tout-aussi particulier. Le scénario, qu'a écrit l'auteur du roman, prend en effet bien soin de décrire les profonds changements qui sont en train de transformer la société, notamment sur le plan des rapports humains. Ainsi, le père de Martin, Charles (Patrice Robitaille), aura beaucoup de «travail» à faire sur lui-même, autant dans son attitude envers son fils que du côté de sa relation conjugale. Son épouse Mireille (Jacinthe Laguë), comme tant de femmes à cette époque, est en train d'évoluer à la vitesse grand V. S'il ne prête pas attention, le pauvre bougre, complètement dépassé par les événements, pourrait bien rester sur la touche...

«Évidemment, tout le contexte socio-politique de cette époque m'intéressait grandement, indique Leclerc. Nous tenions d'ailleurs beaucoup à développer le personnage de Mireille parce qu'il est très représentatif de l'état d'esprit dans lequel se trouvaient alors beaucoup de femmes. Et puis, j'avais aussi envie depuis un moment de travailler avec des jeunes. J'avais adoré mon expérience avec Maxime Dumontier dans Mémoires affectives et Julianne Côté dans Nos étés. Étant moi-même père d'un fils maintenant âgé de sept ans, je n'ai plus peur des enfants. Je dirais même que je préfère parfois leur compagnie à celle des adultes!»

Le facteur générationnel
Une chose est sûre: ce projet est pratiquement passé auprès des institutions aussi facilement qu'un joueur à qui l'on donne intentionnellement un but sur balles. Contrairement à ce qu'il avait dû faire pour ses films précédents, Francis Leclerc a pu mettre en chantier Un été sans point ni coup sûr assez rapidement.

«Bien sûr, explique-t-il, le synopsis qu'avait écrit Marc était remarquable. Mais il y a aussi que la plupart des gens qui font partie des comités de sélection sont eux-mêmes des baby boomers! Ils voulaient tous voir cette histoire à l'écran. Je crois que le facteur générationnel a aussi joué dans ce cas-là!»

Né dans les années 70, Leclerc estime en outre que le détachement relatif dont il pouvait faire preuve envers l'époque décrite dans le film constituait un atout de taille.

«Il est toujours amusant de reconstituer une époque, fait-il valoir. Mon idée était de faire en sorte qu'on puisse croire qu'Un été sans point ni coup sûr aurait été tourné en 1969 mais qu'il serait découvert seulement aujourd'hui, près de 40 ans après sa disparition. Je ne voulais pas qu'on tombe non plus dans les excès de nostalgie. Comme la productrice, le scénariste et le monteur sont tous issus de la même génération, je devais faire équipe avec les plus jeunes pour faire obstacle à leurs épanchements, bien naturels dans ces circonstances. Il fallait, donc, maintenir cet équilibre. Cela dit, c'était très drôle de voir ces trois-là s'obstiner sur la couleur du tapis «shag» dans le sous-sol!»

Menant plusieurs projets de front, tant du côté du cinéma que de celui de la télé (il a notamment réalisé des épisodes de la télésérie Nos étés), Francis Leclerc est bien conscient des difficultés avec lesquelles il faut aujourd'hui composer pour continuer d'exercer son métier de cinéaste au Québec. Ayant aussi délibérément choisi cette fois d'emprunter une approche plus «accessible», tout en privilégiant sa démarche d'auteur, le réalisateur se trouve aujourd'hui à la veille de la plus «grosse» sortie qu'il ait jamais vécue. Un été sans point ni coup sûr prendra en effet l'affiche au Québec sur un circuit d'environ 75 salles.

«Ce film suscite des attentes, c'est certain, reconnaît le cinéaste. Ce qui me rassure, c'est qu'il n'y ait aucune fausse représentation sur l'affiche et dans les bandes annonces. Le personnage principal est un garçon de 12 ans et c'est lui qu'on voit. Trop souvent, les enfants disparaissent des affiches et sont remplacés par les acteurs plus connus. Patrice Robitaille et Roy Dupuis sont évidemment tous deux magnifiques, mais le fait est que l'histoire du film tourne autour du personnage de Martin. Qui est pratiquement de tous les plans. Pendant le tournage, Pier-Luc a non seulement été fantastique, il fut mon allié.»

Un été sans point ni coup sûr prend l'affiche le 1er août.