Grosses productions, fictions à petit budget, documentaires, courts métrages: le 25e festival Vues d'Afrique propose un vaste survol du cinéma africain actuel, à qui la révolution numérique est en train de donner un nouveau visage.

Comment va le cinéma africain? Assez bien, si on en juge par le menu du 25e festival Vues d'Afrique, qui s'est ouvert jeudi.

Pour d'évidentes raisons financières, on est encore loin d'une industrie glamour et florissante. Les films se font souvent avec les moyens du bord, avec des vedettes plutôt locales. Mais certains pays semblent s'élever au-dessus du lot, que ce soit pour la qualité ou la quantité de leurs productions.

«En matière de fictions, il ne fait aucun doute que le Maghreb et l'Afrique du Sud sont en tête de peloton, résume Damien Chalaud, membre de l'équipe de programmation. Il y a encore beaucoup de coproductions internationales. Mais on sent là-bas une véritable volonté politique de soutenir la production cinématographique.»

Auréolé d'un Étalon de bronze à l'avant-dernier Festival de films africains (FESPACO), le film franco-algérien Mascarades (samedi 25 avril à 20 h 30) illustre bien cette nouvelle effervescence. Idem pour les films sud-africains Nothing but the Truth, (Étalon d'argent au dernier FESPACO ; ce soir à 20 h 30 et mardi 21 avril à 18 h 45) et l'antipathique Triomf, sordide portrait d'une famille afrikaner «white trash» et incestueuse (ce soir à 18 h 45 et lundi 20 avril à 20 h 30).

Un reflet direct

Pour Damien Chalaud, il ne faut cependant pas réduire le cinéma africain à ces deux pôles géographiques.

En Afrique de l'Ouest, par exemple, l'industrie est en ébullition. Le Nigeria - qu'on surnomme Nollywood - montre toujours la voie, avec son effarante production de 700 à 800 films en moyenne par an. Mais d'autres pays, comme le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Burkina Faso sont en train de tirer leur épingle du jeu, grâce aux nouvelles possibilités du cinéma numérique, médium plus léger et autrement moins coûteux que le cinéma traditionnel.

«Cette nouvelle génération de cinéastes a zappé l'étape du 35 mm, d'ordinaire réservée à l'élite, pour sauter directement à ce qui était plus pratique pour s'exprimer, souligne M. Chalaud. C'est comme s'ils n'avaient jamais eu de téléphone fixe et qu'ils passaient directement au cellulaire!»

Cette tendance est si forte que le festival consacre depuis quelques années un chapitre entier de sa programmation au cinéma numérique africain (section Africa numérique). Les films n'ont peut-être pas la facture professionnelle des grosses productions maghrébines ou sud-africaines, mais ils sont, de dire M. Chalaud, «le reflet direct de ce qui se passe sur le terrain».

Des suggestions? Allons-y pour les films camerounais Paris à tout prix (une histoire de prostitution: mardi 21 avril à 20 h 45 et jeudi 23 avril à 18 h 15), et Dans l'ombre de l'autre (une histoire de polygamie: jeudi 23 avril à 20 h 45 et samedi 25 avril à 18 h 15) ou le Scarface burkinabé Sam le caïd (mardi 21 avril à 18 h 15 et vendredi 24 avril à 20 h 45).

Enfin, si vous voulez en savoir plus sur la prolifique industrie du cinéma nigérian, ne manquez pas Nollywood Babylon (lundi 20 avril à 20 h) et This is Nollywood (mardi le 21 à 21 h), deux documentaires sur ce fascinant phénomène, qui continue d'inspirer toute l'Afrique de l'Ouest.

Loin de la superproduction

Cet état de santé, somme toute positif, ne garantit pas pour autant la circulation à grande échelle du cinéma africain qui, sauf exceptions, a toujours été plus près du cinéma d'auteur que de la superproduction.

De tous les films présentés cette année à Vues d'Afrique, combien seront ensuite distribués dans le réseau des salles commerciales? Poser la question, c'est y répondre. Mais on peut d'ores et déjà prédire une bonne carrière nord-américaine à Johnny Mad Dog (jeudi 23 avril à 20 h 30). Ce film (ultra violent) sur les enfants-soldats du Sierra Leone a déjà fait parler de lui à Cannes et à Sundance, et pas seulement parce qu'il a été produit par Mathieu Kassovitz.

À noter qu'en marge de sa programmation principale, Vues d'Afrique propose sept soirées thématiques (le foot africain, le hip hop africain, Nollywood, le cinéma noir et blanc, etc.) et trois hommages à des réalisateurs: Spike Lee, Youssef Chahine et Laurent Chevallier, cinéaste français qui a tourné plusieurs films pour enfants en Guinée-Conakry.

Les films de Vues d'Afrique sont projetés au Cinéma Beaubien et au Cinéma du Parc. Informations sur la programmation: www.vuesdafrique.org ou 514-284-3322

______________________

La Presse suggère aussi...

> Victoire Terminus : sur fond d'élections, des jeunes femmes se mettent à la boxe. Ce soir 18 h.

> L'absence : Adama a quitté le Sénégal pour étudier en Europe. L'exode des cerveaux, version africaine. Prix du meilleur scénario au FESPACO 2009. Jeudi 23 avril à 18 h 45 et vendredi 24 avril à 20 h 30.

> L'as du lycée : un enfant pauvre est inscrit dans une école privée. Les disparités sociales refont surface. Cette série télé a gagné le prix TV-Vidéo au FESPACO 2009. Samedi 25 avril à 18 h 30.

> Enfants sorciers : en Afrique, les enfants sont les premières victimes de certaines croyances millénaires. Ce film d'Yves Bernard fait partie des 20 productions présentées dans le volet Regards d'ici (films québécois sur l'Afrique). Mercredi 22 avril à 18 h.