On l'appelle SoCalled, mais son vrai nom est Josh Dolgin. Il est Montréalais de coeur et d'âme. Juif de naissance. Musicien et artiste multidisciplinaire. Il mélange le vieux klezmer au hip hop, au funk, à la pop music. Il est aussi magicien, pianiste, chanteur, producteur et archéologue du vieux vinyle. Plus de 2 millions de personnes ont vu son fabuleux clip de You Are Never Alone sur YouTube. 

«Si tous les gens qui ont regardé ma vidéo avaient acheté mes disques, je serais riche aujourd'hui!» lance-t-il, mi-figue mi-raisin.

Plus connue à l'étranger que chez elle, cette inénarrable antistar fait aujourd'hui l'objet d'un documentaire en 18 tableaux intitulé The SoCalled Movie (SoCalled, le film). Coproduite par l'ONF et réalisée par le cinéaste montréalais Garry Beitel, cette oeuvre kaléidoscopique dresse le portrait d'un artiste atypique, qui se révèle au fil des rencontres et de son processus créatif, entre Kiev, New York et le Mile End à Montréal, où il habite.

Garry Beitel nous avait déjà donné les documentaires Bonjour Shalom! et Chez Schwartz's. Quand on lui demande si The SoCalled Movie est pour lui un autre chapitre de ses chroniques sur le Montréal juif, il hésite un peu. Son but était avant tout de faire le portrait d'un artiste inclassable. Mais il admet avoir été séduit par la façon dont le musicien «recyclait» la culture juive, notamment par ses échantillonnages de klezmer d'une autre époque et de vieux chants hassidiques.

«Ce n'était pas consciemment un document sur le Montréal juif, affirme le réalisateur. Mais c'est vrai que le fait qu'il chante en yiddish me touche particulièrement. J'ai été élevé en yiddish et j'ai parlé toute ma vie en yiddish avec mon père. Ça m'intéresse de le voir moderniser cette culture en l'utilisant dans un autre contexte.»

Le principal intéressé, lui, préfère minimiser la judaïcité dans son oeuvre. Ce n'est pour lui qu'une fraction de ses multiples sources d'inspiration. «Juif? I dont care. Je me considère plus comme canadien et québécois.» Selon lui, le film de Garry Beitel lui permettra justement de partager toutes les facettes de son univers éclectique.

Sauce mélangée

Éclectique. Le mot est peut-être même un peu faible. Car si quelqu'un a appris à mélanger les sauces, c'est bien lui. Sauf erreur, SoCalled est le seul musicien au monde capable de faire des tours de magie sur le bord du trottoir en Ukraine, de réunir sur scène un grand clarinettiste juif (David Krakauer) et un tromboniste de funk réputé (Fred Wesley), de sortir un pianiste nonagénaire des boules à mites (Irving Fields) et de réaliser un documentaire sur un vieux cinéaste porno gai des années 60.

L'orientation sexuelle de Josh est d'ailleurs évoquée dans le film de Beitel, question d'expliquer une partie de son oeuvre multi-couches. Sans être un «coming out» officiel, c'est certainement la première fois que l'artiste l'annonce sur la place publique. «Si tu écoutes mes disques, il y a toujours des indices, explique Josh. Mais je ne l'ai jamais étalé au grand jour. Cela relève du domaine personnel, mais je pense aussi que ça peut aider à me comprendre. Avec Garry, on s'est demandé si on devait en parler, mais on s'est vite entendu sur le fait que c'était pertinent.»

Maître et élève

Dolgin et Beitel se connaissent depuis l'époque où l'un était l'étudiant de l'autre. Le cinéaste enseignait la technique du documentaire à l'Université McGill. Les deux hommes sont restés en contact avant de finalement collaborer sur ce projet. Qui se voulait au départ un film sur une croisière en Ukraine, avec de vieux Juifs remontant le cours de leur histoire. Mais qui, à la demande de l'ONF, s'est finalement transformée en documentaire sur le plus éclaté des musiciens juifs-anglo-montréalais.

Aussi éclectique que son personnage, le film peut maintenant ratisser large. Dolgin rêve d'une diffusion tous azimuts, qui lui permettrait de rejoindre tous les publics qui pourraient se sentir concernés. «Je le vois dans des festivals juifs, mais aussi dans des festivals gais, des festivals hip hop ou des festivals de musiques du monde.

«C'est le bon côté de ce film, conclut le musicien. Il va attirer différents publics pour plein de raisons différentes. Chacun va y trouver son petit bonheur. Mais avec un peu de chance, ils vont tous en profiter pour découvrir d'autres mondes et sortir de leurs ghettos.»

Décloisonné, quoi. Comme la musique de SoCalled.

The SoCalled Movie, de Garry Beitel. Du 4 au 11 juin au Cinéma du Parc (3575 ave. du Parc) - v.o. anglaise avec sous-titres français. Du 5 au 8 juin et le 10 juin au CinemaSpace, Segal Centre (5170 Côte-Ste-Catherine) - v.o. anglaise seulement

Où trouver ses disques? 

Nul n'est prophète en son pays, dit le vieux proverbe juif. 

C'est le cas pour Socalled, qui reste peu connu chez lui mais beaucoup plus en France et aux États-Unis. À preuve, ses «cinq ou six albums» (c'est lui qui le dit!) sont virtuellement impossibles à trouver à Montréal, n'étant disponibles qu'en importation. Car jusqu'ici, ses disques sont parus sur des labels allemands, français et américains. C'est le cas de sa plus récente galette, le fascinant projet Abraham, réalisé avec le clarinettiste juif David Krakauer et le tromboniste afro-américain Fred Wesley, édité sous la bannière du Label bleu en France.

Fait à noter, le musicien est actuellement à la recherche d'une maison de disques pour son prochain album, auquel participeront le musicien serbe Boban Markovic, la rappeuse américaine Roxanne Shanté et le vieux chanteur de calypso Mighty Sparrow.