Lancé en février dernier à la Berlinale où le cinéaste Radu Jude a obtenu l'Ours d'argent du meilleur réalisateur, le film roumain Aferim! nous plonge dans une curieuse histoire d'adultère au coeur de la Roumanie du XIXe siècle.

D'une facture visuelle empruntant aux grands westerns américains, le film raconte l'histoire d'un policier et de son assistant partis à la traque d'un esclave qui a fui son maître, un aristocrate rustre, après avoir couché avec la femme de ce dernier.

Tourné en noir et blanc dans plusieurs endroits de la Roumanie, notamment autour des monts Macin, ce film aux images époustouflantes arrive au Festival du nouveau cinéma bardé de quelques prix et d'une sélection pour représenter son pays aux Oscars.

La Presse a rencontré le coscénariste Florin Lazarescu au Festival international du film francophone (FIFF) de Namur, en Belgique.

Le film a toutes les allures d'un western. Qu'en dites-vous?

C'était notre intention dès le départ. L'usage de la forme western constituait le véhicule idéal pour le sujet. Durant la préparation, Radu [Jude, réalisateur et coscénariste] évoquait déjà un film à la John Ford.

Quelles étaient vos intentions artistiques derrière le projet?

Beaucoup de gens connaissaient la nouvelle vague du cinéma roumain qui est aussi connu comme un «cinéma d'appartements», en ce sens que plusieurs films sont des drames contemporains filmés dans des lieux clos, des cuisines, etc. On s'est dit: sortons des cuisines! Sortons des films minimalistes!

Et que nous raconte cette histoire?

Aferim! se veut un genre de Madame Bovary de Bucarest [le roman de Flaubert évoque les aventures extraconjugales d'une bourgeoise sombrant dans l'ennui]. Avant de commencer le tournage, nous avons beaucoup lu sur l'histoire des Roms, qui sont aussi au coeur du scénario.

Justement, un des personnages en a contre tous les peuples européens. Et les Roms, encore ici, sont ostracisés. Aferim! n'évoque-t-il pas l'Europe d'aujourd'hui?

Absolument! Le film, dans son ensemble, évoque l'Europe, la Roumanie et le monde d'aujourd'hui. Pour chaque scène tournée, nous avons essayé de faire des liens avec le présent. C'est encore plus vrai pour les spectateurs roumains, car plusieurs expressions du film sont encore d'usage de nos jours.

Pourquoi en noir et blanc?

Il y a eu de longues discussions à ce sujet entre le réalisateur du film et son directeur photo. D'autant plus que les costumes de plusieurs personnages sont très colorés. Finalement, ils ont voulu marquer une certaine distance entre l'essence du film, qui est comme un conte, et la réalité.

Que signifie Aferim! et pourquoi ce titre?

«Aferim!» signifie «Bravo!» et c'était un mot très utilisé dans les écritures et le langage de l'époque [le mot revient souvent dans les conversations des personnages].

Pourquoi une finale si violente pour un film somme toute assez drôle?

Je ne dirais pas que c'est drôle. Nous sommes plutôt en face de situations absurdes. Et, en fin de compte, il s'agit d'un drame. Si le public rit à plusieurs endroits, ce n'était pas dans nos intentions. Par exemple, lorsque le policier explique que les femmes doivent être battues conformément à la loi, le public rit alors que c'est quelque chose qui existait dans la réalité.

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Au FNC aujourd'hui, 14 h 30, et demain, 17 h 30, au Quartier latin, salle 17.

Les frais de voyage ont été payés par le FIFF.