«Robins des bois» de ces temps de crise financière qui «prennent aux pauvres pour donner aux riches», des spéculateurs sans scrupules peuplent le nouveau film de Costa Gavras, Le capital, présenté pour la première fois par le cinéaste français au festival de Toronto.

Tiré du roman  de Stéphane Osmont du même nom, Le capital, référence au célèbre ouvrage de Karl Marx, raconte la folle ascension d'un jeune polytechnicien, Marc Tourneuil, dans le monde amoral de la finance et de la spéculation lancé dans une course folle aux profits, laissant les pays et les individus exangues.

Incarné par l'humoriste Gad Elmaleh, très populaire en France et impeccable dans ce rôle à contre-emploi, Tourneuil est un homme intelligent et séduisant qui jongle avec la bourse et rêve de «pouvoir» pour être «respecté».

Au début du film, le jeune homme est bombardé président de la Phoenix, banque fictive française dont le précédent président vient de subir une attaque cardiaque. Les membres du conseil d'administration de la banque, qui l'imaginent manipulable parce que sans expérience, se servent de lui en attendant que l'ancien directeur recouvre la santé.

Mais Tourneuil se révèle redoutable et finira par déjouer complots et contre-complots, notammant de la branche américaine de la banque, supplantant tout le monde pour devenir le patron incontesté du groupe financier.

«Produits toxiques», «paradis fiscaux», «hedges funds» sont les valeurs dans lesquelles il se reconnaît parce que ce sont les seules à lui procurer ce qu'il aime le plus au monde: l'argent. «Mais pourquoi as-tu besoin de tout cet argent?», lui demande, interloquée, sa femme (Natacha Régnier, impeccable elle aussi), qui finira par ne plus aimer l'homme nouveau et sans morale qu'il est devenu.

Avec l'argent lui viendra le goût du luxe - il oblige son épouse, qui trouve cela «indécent», à porter lors d'une soirée une robe à 22 000 euros - et celui des tops models. Sans illusions, il sait aussi que tout cela est «un jeu».

Le sang des nations pauvres

Quatre ans après le début de la crise financière, Costa Gavras, cinéaste engagé (L'Aveu, Z, Missing, Le couperet notamment) décortique avec maestria un milieu «vaniteux, futile et clanique».

Son film, qu'il a eu l'idée de faire après avoir lu le livre de l'économiste Jean Peyrelevade, Capitalisme total puis celui de Stéphane Osmont, happe l'attention du spectateur-citoyen en le plongeant à un rythme soutenu dans une actualité de plus en plus anxiogène.

«Aujourd'hui, tout le monde parle des marchés et personne ne sait qui ils sont. Ils sont devenus la nouvelle idéologie», affirme-t-il dans un entretien à l'AFP. «Du temps des communistes, il y avait la soumission au parti. Maintenant, c'est la soumission aux marchés», déplore-t-il.

Mais ce qui avant tout a intéressé le cinéaste, c'est de «comprendre comment un homme intelligent comme Tourneuil peut à ce point désirer le pouvoir». Cet homme, qui semble le fasciner, est «lucide», et «sait que le plus dur de la crise est encore à venir», dit-il.

A ce personnage cynique, Costa Gavras fait dire à la fin du film, devant ses subordonnées qui éclatent de rire: «nous serons des Robins des Bois, nous prendrons aux pauvres pour donner aux riches», une sentence qu'il a empruntée en la détournant au président américain Barack Obama ironisant sur son challenger républicain à l'élection présidentielle Mitt Romney.

Face aux «vautours de la finance qui empochent des profits éhontés et sucent le sang de nations pauvres, les politiciens ne peuvent rien faire», lâche le cinéaste, assurant néanmoins être «optimiste» pour l'avenir. Difficile à croire...