Après Ida, Oscar du meilleur film étranger en 2015, le réalisateur polonais Pawel Pawlikowski revient avec Cold War, en compétition jeudi à Cannes, l'histoire d'un amour tourmenté en pleine Guerre froide, tournée dans un noir et blanc élégant.

Zula (Joanna Kulig) et Wiktor (Tomasz Kot) se rencontrent dans la Pologne d'après-guerre. Zula, issue d'une famille modeste, entre dans un ensemble folklorique de musique et de danse dirigé par Wiktor, musicien de l'intelligentsia citadine, obligé de se reconvertir dans l'art populaire pendant l'époque communiste. Ils tombent amoureux, mais très vite Wiktor va vouloir fuir pour partir à l'Ouest pour devenir musicien de jazz.

Entre la Pologne et Paris, ils vont tour à tour s'aimer et se déchirer, dans une romance rendue difficile par la situation politique de leur pays et leurs différences d'origines, de caractères ou d'idées.

Cette histoire a été inspirée à Pawel Pawlikowski par celle de ses parents, «deux personnes aussi fortes l'une que l'autre, qui s'aiment, se détestent, se trahissent, divorcent, quittent leur pays, se rencontrent de nouveau, se remettent ensemble à l'étranger», a expliqué à l'AFP le cinéaste de 60 ans, en lice pour la première fois pour la Palme d'or au Festival de Cannes.

«J'ai toujours pensé que c'était les meilleurs personnages dramatiques que j'aie rencontrés dans ma vie. Alors pourquoi ne pas faire un film un peu sur un couple comme ça? Mais ce n'est pas littéralement eux, parce que j'ai changé pas mal de choses pour que l'histoire tienne», a-t-il ajouté.

Le film suit les rebondissements de la vie amoureuse de Zula et Wiktor avec pour fil conducteur la musique, qui les rassemble mais aussi les sépare.

«Ils veulent être ensemble, mais en même temps ils n'y arrivent pas. C'est pour ça qu'entre eux il y a toujours des hauts et des bas», a indiqué à l'AFP l'actrice Joanna Kulig, pour la troisième fois dans un film de Pawel Pawlikowski, qui a dû s'entraîner longuement à la danse pour jouer ce rôle.

Noir et blanc «romanesque»

Le film s'attache aussi, à travers ces deux personnages, à «raconter le monde autour d'eux qui change, la vie sous le stalinisme, les années 50, qui étaient terribles par beaucoup de côtés, terrifiantes, mais où il y avait aussi une certaine clarté dans les rapports humains», souligne le réalisateur.

Cold War ne parle pas directement de politique, mais le sujet est omniprésent en arrière-plan.

«La politique entre par tous les côtés. Mais je n'aime pas faire ou regarder des films politiques, qui simplifient la réalité», indique Pawel Pawlikowski. «Elle est là, dans le comportement des gens».

Comme dans Ida, le réalisateur a choisi le noir et blanc et un format d'image quasi carré pour raconter cette histoire. Mais un noir et blanc qu'il a voulu «plein de contrastes, très dramatique, et très vif tout le temps», pour pouvoir donner «une certaine allure romanesque, mythique aux choses».

«Au début, je voulais vraiment le faire en couleur pour ne pas me répéter», dit-il, soulignant que, contrairement à Ida - histoire d'une jeune novice qui apprend ses origines juives et part à la recherche de son passé -, il ne voulait pas d'un «film austère».

Mais «le noir et blanc me paraissait honnête comme vraie couleur pour cette période. C'était difficile de parler de couleurs, parce que la vie était assez grise».