Mercredi, on a vraiment cru que Xavier Dolan vivrait le premier vrai coup dur de sa carrière. Quatre jours plus tard, il obtient le deuxième prix en importance du Festival de Cannes. Cet homme nous étonnera toujours.

Il y a deux ans, Mommy avait été le grand coup de coeur de bien des festivaliers. Qui avaient prédit la Palme d'or à Xavier Dolan. Le jury, présidé cette année-là par Jane Campion, avait plutôt choisi de lui attribuer un Prix du jury, ex aequo avec Jean-Luc Godard pour Adieu au langage. Le plus jeune cinéaste de la compétition, jumelé au plus vieux, véritable mythe du cinéma contemporain, ça fait une belle image.

Cette année, alors que Juste la fin du monde a été très malmené dans la presse anglo-saxonne, surtout américaine, voilà que le cinéaste québécois remporte le Grand Prix, un laurier encore plus prestigieux que celui obtenu il y a deux ans.

LE MONDE ADULTE

Dimanche, sur la scène du Grand Théâtre Lumière, Xavier Dolan a eu du mal à contenir son émotion. L'enfant chéri qu'il était jusqu'à Mommy est passé, à l'âge de 27 ans, dans le monde adulte. Et cela ne s'est pas fait sans heurts. Surtout dans le contexte du Festival de Cannes, qui peut parfois être très cruel. Demandez à Atom Egoyan, Gus Van Sant et Sean Penn ce qu'ils en pensent...

Désormais dans la cour des grands, Xavier Dolan a vu son statut changer auprès de certains cinéphiles. Pour son premier « film d'homme » (c'est son expression), le réalisateur a dû passer à la trappe de la redoutable presse cannoise pour la toute première fois de sa carrière. Tout le monde se disait que la chose allait forcément arriver un jour - les trajectoires des plus grands cinéastes ne sont pas uniformément lisses -, mais là, le coup a visiblement été dur à encaisser.

Jeudi, à la faveur d'une rencontre, cet hypersensible notoire ne cachait pas avoir du mal à comprendre ce qui se passait. D'autant qu'il estimait avoir fait, avec Juste la fin du monde, son meilleur film. 

Même au lendemain de la projection officielle, qui a été ponctuée d'une ovation sincère de plus de sept minutes, il déclarait à un journaliste du L.A. Times - à peu près le seul journaliste américain qui n'ait pas annulé son rendez-vous avec lui - qu'il ne savait plus s'il avait encore envie de réaliser des films après cet épisode.

UN REBOND SPECTACULAIRE

Cette émotion a été passagère, bien sûr. Mais c'est justement cette façon d'être qui fait de lui l'artiste exceptionnel qu'il est. Avec, constamment, cette capacité de surprendre, de toujours faire en sorte que le destin se range finalement de son côté.

Plusieurs analystes donnaient peu cher de sa peau pourtant. On pouvait même lire sur l'influent site Indiewire, qui suit la carrière de Xavier Dolan de très près et la soutient depuis maintenant longtemps, que le cinéaste venait sans doute de perdre son statut de « chouchou des critiques ».

Or, voici qu'il rebondit d'une façon encore plus spectaculaire en confondant tous les sceptiques. On ne sait trop de quoi il est fait - Nathalie Baye dit de lui qu'il est un ovni et un « sacré ouistiti » -, mais il est clair qu'avec un parcours pareil, nous n'aurons pas assez d'une vie pour explorer la complexité de cet homme apparemment invincible. Et jamais plate.

PHOTO BERTRAND LANGLOIS, ARCHIVES AFP

C'était en 2014: Xavier Dolan avait obtenu le Prix du jury pour Mommy, ex aequo avec Jean-Luc Godard pour Adieu au langage.