Des jeunes en crise, au début des années 90 à Leipzig et à Berlin aujourd'hui : les films allemands As We Were Dreaming d'Andreas Dresen et Victoria de Sebastian Schipper, en compétition à la Berlinale, évoquent le difficile passage à l'âge adulte dans des époques troublées.

As We Were Dreaming (Als Wir Träumten), présenté lundi, adapté du roman éponyme de Clemens Meyer, raconte le quotidien de cinq amis à Leipzig, ville de l'ancienne Allemagne de l'Est, de l'enfance à la fin de l'adolescence. Après la chute du Mur de Berlin, ils se retrouvent livrés à eux-mêmes dans une époque d'anarchie où tout semble possible.

Fêtes, alcool, virées en voitures volées, musique et affrontements avec un groupe de néonazis sont le quotidien de Daniel, Mark, Rico, Pitbull et Paul, qui décident d'ouvrir un club techno dans une friche industrielle et vivent à cent à l'heure avec un sentiment de liberté, jusqu'à se trouver rattrapés par la réalité.

Le film, rythmé par la musique techno, fait ressentir les espoirs, les doutes et l'insouciance de ces jeunes.

«Quand j'ai lu le livre, j'ai pensé que c'était une histoire universelle, sur le fait de grandir, de dire au revoir à l'enfance, sur ce moment où l'on peut perdre pied ou conquérir le monde», a expliqué lors d'une conférence de presse Andreas Dresen, prix Un certain regard au Festival de Cannes en 2011 pour Stopped on Track.

«J'ai aussi pensé qu'il n'y avait pas eu grand chose d'écrit sur cette génération qui s'est retrouvée entre deux systèmes», dans une époque «sauvage, anarchique et chaotique», et sur «leurs efforts pour y trouver leur place», a ajouté le réalisateur de 51 ans, originaire d'ex-RDA.

Pour lui, le vide laissé dans une société «qui essayait de trouver ses repères» a aussi permis l'avènement «des aventuriers et des cowboys».

Une seule prise

L'autre film allemand en course pour l'Ours d'or, Victoria de Sebastian Schipper, qui a créé un certain buzz à la Berlinale, met lui aussi en scène un groupe de jeunes paumés, mais cette fois dans le Berlin d'aujourd'hui.

Tourné en une seule prise - une prouesse technique, qui a conduit les comédiens à improviser et l'équipe à adapter les lieux pour éviter les déplacements -, ce film de plus de deux heures raconte l'histoire de Victoria, une Espagnole qui a tout quitté pour venir à Berlin.

A la sortie d'une boîte de nuit, elle rencontre un groupe de jeunes Berlinois, Sonne, Boxer, Blinker et Fuss. Ils vont rapidement se lier d'amitié avec elle et l'entraîner dans la nuit de la capitale allemande, dans une virée qui va peu à peu tourner au cauchemar.

Musique, alcool et drogue sont au programme de cette errance, qui va s'accélérer quand le groupe se trouve embarqué dans un braquage de banque. Le film, tourné dans l'urgence, fait ressentir le stress de ses personnages, basculant peu à peu dans un thriller énergique.

Sebastian Schipper, 46 ans, également acteur et dont c'est le quatrième film comme réalisateur, a souligné devant la presse qu'il s'agissait de montrer aussi des jeunes en détresse mais unis, dans un contexte de crise économique.

«Ce n'est pas par hasard si Victoria est Espagnole et si le film se passe à Berlin», a-t-il dit. «Pour les jeunes en Europe, c'est un monde difficile. C'est une histoire sur la façon dont ils restent toujours ensemble et essaient de vivre dignement et d'avoir une vie heureuse, même s'ils doivent briser les règles».

Les jeunes qui quittent leur pays à cause de la crise «ne savent pas quoi faire, où aller ou comment construire leur avenir», a-t-il ajouté. «En même temps, je voulais montrer que la situation en Allemagne est aussi loin d'être parfaite».