La cinéaste Anne Émond a su émouvoir grâce à son très beau drame familial Les êtres chers. Après la projection, des spectateurs sont restés dans la salle pour en discuter avec elle.

Au Festival de Locarno, où toutes les projections sont ouvertes au public, les longs métrages sélectionnés dans le programme Cineasti del presente (Cinéastes du présent) sont présentés à La Sala, une salle pouvant accueillir 950 spectateurs. C'est dans cette section compétitive, réservée aux premiers ou deuxièmes longs métrages, qu'est inscrite la deuxième offrande d'Anne Émond, intitulée Les être chers.

Les cinéphiles ont répondu à l'appel. Même si la salle n'affichait pas complet, il reste que plusieurs centaines de spectateurs se sont pointés pour la séance de mercredi, programmée à 11h. Mieux: ils étaient aussi nombreux à la fin qu'au début. Et ils ont beaucoup applaudi. Certains d'entre eux ont même tenu à assister à la séance de questions-réponses qui a eu lieu tout de suite après la projection.

«J'ai un peu de difficulté à évaluer l'accueil, à chaud comme ça, a déclaré la cinéaste après l'exercice. Mais je crois que ça s'est bien passé. On me dit qu'habituellement, peu de gens restent après les projections pour les discussions, qu'ils étaient plus nombreux cette fois. Je suppose que c'est un bon signe. De mon côté, j'ai senti que les spectateurs ont reçu ce film de façon émotive. C'est exactement ce que je souhaitais.»

Changement de registre



Après Nuit #1, la cinéaste change de registre en proposant un drame familial émouvant, lequel évoque des thèmes qu'elle affirme connaître de près.

«C'est une histoire que je porte en moi depuis plus de 10 ans, a-t-elle en outre expliqué au public. Je voulais faire ce film depuis des années. Il était légitime pour moi d'aborder ces thèmes-là parce cette histoire m'est proche. En même temps, je me suis dit que ça allait être universel aussi. L'histoire de toutes les familles est forcément traversée de drames.»

Le thème auquel la cinéaste fait écho est celui du suicide. Avec, à la clé, les secrets de famille qui, parfois, l'entourent. Campé pour la majeure partie dans la campagne du Bas-du-Fleuve (magnifiques images de Mathieu Laverdière), le récit commence en 1978 alors qu'André (Mickael Gouin) découvre son père, pendu dans le sous-sol de la maison familiale.

Il se trouve que la raison de la mort est cachée à quelques-uns des membres de la famille, parmi lesquels David (excellent Maxim Gaudette), frère d'André et fils du défunt.

David, qui croit que son père a été emporté par une crise cardiaque, semble d'ailleurs doué pour le bonheur. Il tombe amoureux de celle qui deviendra sa femme au premier regard, fondera avec elle une famille magnifique, se découvre un métier d'artisan marionnettiste grâce aux outils que lui a légués son père. Bref, la vie se montre pour le moins généreuse à son égard.

Étalé sur environ 25 ans, le récit emprunte le point de vue de deux personnages. L'accent est principalement mis sur le parcours de David dans la première partie du film; sur sa fille Laurence (magnifique Karelle Tremblay) dans la seconde.

«Dès le départ, j'ai fait le choix d'aller dans l'émotion, a révélé la cinéaste. Je voulais toucher le spectateur, le faire pleurer et le faire rire aussi parfois. J'ai aussi voulu que ce film soit nostalgique. J'ai écrit une version qui se rendait jusqu'en 2015, mais je ne l'ai pas retenue. Il aurait alors fallu tenir compte de tous les gadgets avec lesquels on vit maintenant et je n'en avais pas envie. Je n'aime pas la technologie!»

Chaleur humaine



Vrai que ce film est empreint de nostalgie (accentuée par la très belle trame musicale de Martin Léon), mais il est aussi traversé d'une formidable chaleur humaine, sans jamais pour cela verser dans le sentimentalisme surfait. Rien n'est appuyé.

Utilisant à bon escient les moments-clés qui marquent une vie familiale, Anne Émond emprunte une approche sensible pour résolument tourner son récit du côté de la vie, malgré les drames qui, inévitablement, se posent sur son parcours.

Les êtres chers prendra l'affiche en salle le 20 novembre au Québec. La première nord-américaine aura lieu au TIFF (Festival international du film de Toronto) le mois prochain.

Les frais de voyage ont été payés par le Festival de Locarno.

Précision: Contrairement à ce qui était indiqué dans la première version de ce texte, le personnage de Laurence est interprété par l'actrice Karelle Tremblay. Toutes nos excuses.