En tournant Le nez, son premier documentaire, Kim Nguyen a appris énormément, non seulement sur le sens de l'odorat, mais sur l'humain en tant qu'espèce et sur son métier de réalisateur.

Au départ, il avait été approché pour tourner un film sur les saveurs et les liens entre l'odorat et le goût, projet auquel il a dit oui immédiatement.

«Par la suite, en faisant mes recherches, j'ai réalisé que ce serait plus intéressant de parler des liens cognitifs très forts entre l'odorat, le désir, la sexualité et la mémoire, dit Kim Nguyen. Quand on sent une odeur, on ressent l'émotion qui s'y rattache avant même de comprendre pourquoi et avant de reconstruire les souvenirs qui vont avec. C'est un sens très fort, viscéral, qui détermine beaucoup de choses dans nos relations.»

Pourtant, la plupart des gens sont inconscients de l'importance de l'odorat dans leur vie quotidienne. Lui-même n'en a pris conscience qu'en faisant son film.

«Quand on demande aux gens quel sens ils accepteraient de perdre en premier, en général, ils mentionnent l'odorat. On ne réalise pas combien il est important dans notre relation avec le monde et avec les autres. Personnellement, je ne crois pas être quelqu'un à l'odorat très sensible. Comme tout le monde, j'ai appris à le développer jusqu'à un certain point en cuisinant, mais c'est vraiment à travers ce film que j'ai redécouvert ce sens.»

Il espère que les spectateurs qui iront voir son film en feront autant.

«Ça se veut plus un poème et un hommage à l'odorat, au désir et à la mémoire qu'un film scientifique. J'ai beaucoup transgressé les codes du documentaire pour aller chercher l'expérience humaine de l'odorat alors qu'on utilise un médium, le film, qui ne peut pas véhiculer les odeurs. On a juste les sons et les images.»

Cette première expérience du documentaire s'est avérée formatrice pour lui.

«C'est une forme en constante mutation. C'est assez agréable une fois qu'on s'abandonne à l'idée que le résultat final ne sera pas clair tant qu'on n'aura pas terminé les recherches. Chaque étape, chaque entrevue, chaque jour de montage transforment le film par rapport au projet anticipé, et j'aime bien cette idée-là.»

La quête de Molly

Par exemple, la découverte de Molly, jeune femme qui a perdu son odorat, a beaucoup influencé la tournure prise par le film.

«La force qu'elle pouvait donner au film s'est manifestée une fois qu'on avait déjà tourné la moitié du matériel. On s'est rendu compte qu'elle avait un certain charisme à l'écran et qu'elle pourrait porter le film à travers sa quête.»

D'autre part, il a pu constater que la forme documentaire avait aussi ses contraintes.

«Dans un monde idéal, le documentaire serait plus libre, dit-il. On aurait plus de liberté tant sur la forme que sur la méthode. Parce que c'est un médium qui nécessite de l'argent, il y a beaucoup d'intervenants qui donnent leur point de vue. Les investisseurs sont plus interventionnistes qu'en fiction. Ç'a été une bataille de garder mon point de vue.»

Cinq découvertes de Kim Nguyen

L'ANOSMIE (PERTE DE L'ODORAT)

«Pour moi, la découverte la plus étonnante, c'est Molly, cette jeune femme qui a perdu son odorat après un accident. À travers sa propre quête pour le retrouver, j'espère que le spectateur pourra, lui aussi, redécouvrir ce sens.»

L'AMBRE GRIS

«C'est sûrement l'une des matières les plus étranges qui soient au monde. Le prix qu'on lui donne, au poids, est supérieur à celui de l'or.»

LA TRUFFE

«La truffe a véritablement une vie et si on l'empêche de respirer en l'emballant de façon hermétique, elle meurt. Son parfum, assez puissant pour remplir toute une pièce, disparaît en quelques heures si on l'asphyxie.»

L'ODEUR DE L'ESPACE

«Un grand privilège a été de pouvoir interviewer Chris Hadfield, l'astronaute, pour qu'il puisse nous décrire l'odeur de l'espace.»

L'ODEUR ET LE DÉSIR

«J'ai appris que des études ont démontré que les femmes choisissent leurs partenaires, inconsciemment, en se fiant à leur odeur, et qu'une relation peut fonctionner ou échouer sur la base de la compatibilité des odeurs. La nature a voulu cela pour que nous soyons complémentaires sur le plan de notre ADN. On croit qu'on est maître de notre sort et de nos choix, mais on est largement esclaves de notre instinct primaire, comme les animaux.»