Le film belge Couleur de peau: miel, tiré de la BD du même nom, raconte la quête identitaire d'un Coréen adopté par une famille belge au début des années 70. Ce film autobiographique de Jung Hénin, qui mélange animation et prises de vue réelles, est pourtant aussi intime qu'universel.

Couleur de peau: miel a remporté deux prix au Festival international du film pour enfants de Montréal (FIFEM) il y a deux semaines, dont le Grand prix décerné par le jury international. Joint au téléphone cette semaine, Jung Hénin s'en est dit très heureux. «Le film remporte souvent des prix du public, comme au Festival du film d'animation d'Annecy l'an dernier. Un prix du jury, c'est valorisant.»

Dans ce film très personnel, Jung Hénin porte un regard sur l'enfant qu'il a été. Orphelin, il a fait partie de milliers de petits Coréens adoptés pendant les années qui ont suivi la guerre. C'est ainsi qu'il s'est retrouvé, à l'âge de 5 ans, dans une famille belge de classe moyenne qui comptait déjà quatre enfants.

Comme la BD, le film raconte son enfance turbulente, sa passion pour le dessin, sa relation avec sa famille, ses questions sur son identité et sa mère biologique rêvée.

Un sujet tout de même grave: à l'adolescence, il traverse un passage à vide qui le mène à l'hôpital. Un film pour enfants, vraiment? «Les enfants ne comprennent peut-être pas tout, mais ils peuvent le voir, estime Jung Hénin. C'est pour tous les âges, parce que la thématique de la quête identitaire peut toucher tout le monde, et pas seulement les gens qui ont été adoptés. Il y a maintenant tellement de métissage culturel et de familles reconstituées. Et puis la quête identitaire, c'est sans fin, ce n'est pas figé dans du marbre. On passe sa vie à construire son identité.»

Et il y a l'humour - «même s'il est moins présent que dans la bédé» - et le portrait amusant d'une famille nombreuse. «J'ai développé davantage les personnages secondaires. Le livre était plus centré sur moi.» En fait, Jung Hénin n'avait pas envie de faire un film identique au livre ni de «refaire» Persépolis, auquel on ne peut s'empêcher de penser. «Je voulais aussi utiliser la caméra pour raconter mon histoire. Le film est donc le prolongement de la bédé.»

Avec le coréalisateur Laurent Boileau, il est parti retrouver ses propres traces en Corée du Sud. Des images de cette recherche sont intégrées au film, ainsi que des extraits d'archives familiales tournés en super 8. «Le plus difficile, ç'a été le montage, qui nous a demandé des mois. Mais c'était important pour assurer la fluidité.»

L'hybridité n'a pas été choisie pour «faire tendance», assure-t-il. «Ça se justifie parce que ça apporte une authenticité au film.» Tout comme sa narration, qui lie le tout avec une émotion contenue. Quand, à la fin, Jung accepte de «transformer en avantage» sa double identité et rend un hommage senti à la maternité, on a plus que la gorge nouée: il est carrément impossible de retenir ses larmes.

«Il y a une forte charge émotionnelle dans le film, admet-il. La fabrication a été tellement compliquée que je n'en étais pas conscient. J'étais certain que j'allais le rater! Mais je vous confirme que les gens pleurent beaucoup, et pas que les mamans...»

> Le film prend l'affiche le 29 mars.