Marjo en puissante caïd? On n'a aucune peine à l'imaginer, et on la verra ainsi, pour la première fois au grand écran, dans le film Chien de garde de Sophie Dupuis, actuellement en tournage à Montréal. La Presse a visité le plateau pour discuter avec la réalisatrice et la chanteuse devenue comédienne.

Dans un local de la rue Wellington, à côté du parc des Madelinots, dans Verdun, la petite équipe du film Chien de garde s'affaire, tandis que Marjo se fait coiffer et maquiller pour son rôle. Elle incarne Chantal, une femme haut placée dans le monde interlope, mais impossible d'en savoir plus sur ce personnage. «Je suis le pivot de cette histoire-là, un personnage central, au coeur de l'histoire», dit-elle, refusant de dévoiler le moindre punch.

Chien de garde est le premier long métrage de la réalisatrice Sophie Dupuis, originaire de Val-d'Or, qui nous a donné jusqu'à présent de très beaux courts métrages, notamment le troublant Faillir. Inspirée par le cinéma réaliste et social, comme les films des frères Dardenne ou d'Abdellatif Kechiche, Sophie Dupuis se dit passionnée par le jeu des comédiens, qu'elle filme au plus près, leur laissant même assez de liberté pour improviser.

«Mes acteurs sont à se jeter par terre. J'ai fait énormément d'auditions pour arriver à cette distribution-là.»

Chien de garde, c'est l'histoire d'une famille un peu toxique, dans laquelle deux frères, JP et Vincent (Jean-Simon Leduc et Théodore Pellerin), qui habitent avec leur mère (Maude Guérin), survivent tant bien que mal dans le monde du trafic de drogues, influencés par leur oncle Dany (Paul Ahmarani). Dany finira par demander à JP un contrat qui dépasse un peu ses limites et qui risque de faire basculer l'équilibre précaire de toute la famille.

Le personnage de Marjo est donc au coeur de cette histoire, mais comment la chanteuse s'est-elle retrouvée dans ce film? «C'est la faute de la réalisatrice, répond-elle, sourire en coin. J'ai reçu un scénario avec une lettre longue comme ça me disant que j'étais Chantal. J'ai téléphoné, je lui ai dit que je n'étais pas une actrice, mais une fille qui fait de la scène, on a discuté de choses et d'autres et puis, finalement, on m'a envoyé un contrat et j'ai accepté.»

Ce n'est pas la première fois que la rockeuse reçoit des offres pour le cinéma. «J'ai eu souvent des demandes, il y a même eu Pierre Falardeau un moment donné, confie-t-elle. Je me disais: "voyons donc, je n'irai jamais jouer dans un film de Falardeau!" C'était trop impressionnant. Peut-être que j'étais trop jeune. J'étais toujours réticente, je ne me sentais jamais à point pour aller jouer. C'est quelque chose, tsé, de dire "je vais jouer!" J'ai fait quelques caméos dans des films de Gilles Carle. Mais là, ce n'est pas juste un caméo, j'ai vraiment quelque chose à faire. Ça m'a tentée. Et c'est une belle petite gang, c'est très heureux et sympathique.»

Une femme puissante

Pour ce personnage, Sophie Dupuis a longuement réfléchi à la comédienne qui pouvait l'incarner, jusqu'à ce que le nom de Marjo arrive sur la table. «Après, toutes les autres suggestions, c'était non, se souvient la réalisatrice. C'est juste quand on s'est mis à tourner que j'ai vraiment vu son personnage émerger. C'est exactement ça qu'on voulait. Elle en impose! Et c'est ce qu'on cherchait, une femme avec beaucoup de prestance, puissante, forte, une femme avec qui on ne niaise pas.»

Pas de doute, on ne niaise pas avec Marjo, la plus célèbre des rockeuses québécoises, qui a traversé toutes les tempêtes. Sur le plateau de tournage, elle porte une attelle à la jambe gauche. 

«Je m'en vais me faire opérer pour avoir une nouvelle rotule. J'ai trop dansé, j'ai trop sauté! Comme les athlètes qui en ont trop fait. Mais je recommence à faire des shows au mois de juin.» 

En parallèle de ce film, elle enregistre actuellement des épisodes de la nouvelle émission de Louis-Jean Cormier, Microphone, qui sera diffusée à Télé-Québec. «On est trois artistes, il y a moi, Yann Perreau et Alex Nevsky, chacun chante la chanson de l'autre et on change le genre musical. Par exemple, Provocante ou Tant qu'il y aura des enfants, ils l'ont mis en folk. C'est une autre affaire!» Pas d'album en vue, «mais j'ai beaucoup de musiques en banque», prévient-elle.

Pour l'instant, c'est le cinéma qui l'intéresse. «J'adore ça! C'est comme si j'avais fait ça toute ma vie. Je regarde tout ce qui se passe, les machinistes, les caméramans, et j'apprends. Je pose des questions, je m'implique. Je suis une fille qui aime le monde.»

«Elle est très enthousiaste, c'est beau à voir, confirme Sophie Dupuis. Elle est comme une petite fille émerveillée. Il faut la faire jouer, elle y prend tellement de plaisir, et elle est photogénique. Je la recommanderais chaleureusement. Quand elle se met à jouer, tous les gens de l'équipe ont un gros sourire dans le visage. C'est que... wow. C'est Marjo.»

Le tournage de Chien de garde, produit par la compagnie Bravo Charlie, devrait se terminer le 19 décembre, et le film prendra l'affiche en 2017.

Photo François Roy, La Presse

«Mes acteurs sont à se jeter par terre. J'ai fait énormément d'auditions pour arriver à cette distribution-là», dit Sophie Dupuis, réalisatrice de Chien de garde.