Été 1969. Paul Rose, son frère Jacques et Francis Simard s'installent à Percé, au coeur d'une Gaspésie embourbée dans le chômage. Que s'est-il passé, cet été-là, pour que ce trio apparemment pacifique retourne à Montréal avec des idées radicales en tête?

Ce n'est pas un film sur la crise d'Octobre ni sur les terroristes qui ont tué Pierre Laporte, a insisté le réalisateur Alain Chartrand le jour de la première de son film La Maison du pêcheur. Il a insisté aussi sur un autre point : en arrivant en Gaspésie, à l'été 1969, Francis Simard Paul et Jacques Rose étaient pacifistes.

La conclusion s'impose d'elle-même : ces quelques semaines passées à Percé ont été déterminantes pour la suite des choses. " Je trouvais que c'était un chaînon manquant, explique Alain Chartrand. Je trouve important qu'on sache qui étaient ces gars-là, ce qu'ils voulaient faire et pourquoi ils voulaient le faire. »

Ces " gars-là ", c'est d'abord Francis Simard (Charles-Alexandre Dubé) et les frères Rose (Vincent-Guillaume Otis et Benoît Langlais), qui étaient déjà d'ardents militants avant leur arrivée en Gaspésie. Là, ils croiseront la route de Bernard Lortie (Mikhail Ahooja), fils d'un pêcheur dépossédé de son bateau venu à Percé dans l'espoir de trouver du travail.

Intrigué par un tract des militants, le jeune Bernard Lortie se présente à la Maison du pêcheur, café-rencontre fondé par les trois militants montréalais dans l'espoir de tisser des liens avec la population locale et de partager sa vision d'un Québec indépendant et socialiste. L'endroit fourmille déjà de hippies souvent plus intéressés par la fumette et les bains de minuit qu'à la révolution par les travailleurs...

«La faune de la place, c'était ça ", assure le réalisateur, qui a lui-même passé deux semaines à la Maison du pêcheur l'été de ses 17 ans, et qui a cosigné le scénario du film avec Jacques Bérubé et Mario Bolduc. Paul Rose lui-même a suivi de près la création du film, de son écriture au tournage, jusqu'à sa mort en mars dernier.

Choc de la réalité

Clairement campé dans la fiction même s'il insiste sur des situations (et une esthétique) proches du documentaire, La Maison du pêcheur dépeint une Gaspésie quasi tiers-mondiste où, hors des routes touristiques fréquentées par les Américains, la population vit dans des masures et est à la merci de quiconque peut offrir du travail.

«Eux savaient que les gens étaient exploités, dit Alain Chartrand au sujet des frères Rose et de Francis Simard. Ils savaient qu'il y avait beaucoup de chômeurs en Gaspésie et un problème avec la pêche. " Leur objectif était clair : réveiller ces travailleurs exploités.

Kevin Parent, qui joue un pêcheur forcé de se réinventer une vie, adhère au projet des futurs felquistes, même s'il ne cautionne pas les gestes violents qu'ils ont commis ensuite. " Mais la colère qui a généré ce mouvement-là, elle était saine et justifiable ", juge-t-il.

L'idéal des militants montréalais est vite rattrapé par la réalité. Comme le jeune Bernard Lortie le leur dit assez naïvement, le communisme et ces affaires-là, " ça fait peur au monde ". Pire, les autorités municipales font tout pour leur mettre des bâtons dans les roues, notamment en leur refusant un permis pour exploiter la Maison du pêcheur.

D'où la question qui hante Alain Chartrand et qui est relayée par ses quatre acteurs principaux : l'histoire aurait-elle été différente s'ils avaient obtenu leur fameux permis et s'ils avaient pu engager une discussion franche avec la population et les autorités de Percé ? Le cinéaste le croit et le laisse entendre clairement dans sa création.

L'objectif du film n'est toutefois pas de réécrire l'histoire. " Le but, c'est aussi de faire découvrir une autre facette de cette révolution et que les gens en parlent, peu importe le côté où ils se rangeront ", souligne Vincent-Guillaume Otis, très bon dans le rôle de Paul Rose.

Kevin Parent, quant à lui, se réjouit de la portée sociale du film, qui s'interroge sur le destin d'une collectivité. " Ce que j'aime aussi, c'est l'envie de faire parler le sujet plutôt que de chercher à marquer l'histoire du cinéma, dit-il. Ça me fait plaisir de faire partie de quelque chose de solide et de vrai. »

La Maison du pêcheur prend l'affiche le 13 septembre.