On a tous connu, et on fréquente peut-être toujours, de ces gens qui «sont passés par là», des gens qui ont trop bu, trop reniflé, trop joui de l’ivresse et qui ont passé, pénitents, des jours affreux et des nuits sans sommeil dans un centre de désintoxication.







Le personnage de cet Oslo, 31 août, toxicomane touche-à-tout (alcool, coke, héroïne, ecstasy), a connu les enfers de la cure et tâche péniblement de retrouver sa vie, sa ville, sa famille, un boulot décent, tout cela à jeun. Périple intérieur difficile, et dans ce cas-ci à l’issue incertaine. Ce n’est pas l’histoire d’une rédemption.

Momentanément libéré, suivant un programme de réadaptation, Anders, 34 ans, dont on ne sait que très peu sinon qu’il a été un brillant chroniqueur à la pige, passe une journée hors du centre de désintoxication. Psychologiquement défait mais physiquement retapé, il se rend sans conviction aux bureaux d’un magazine en vogue et, ne croyant plus en ses talents, refusera l’offre d’emploi. Il retrouvera entre-temps quelques bons amis, d’anciennes flammes. Mais, hanté par ses démons, et par ce qu’on appelle le craving (le manque, terrassant, qui subsiste même après la cure), Anders fera face au vide absolu d’une existence dénuée de sens. Ce jeune homme intelligent n’est pas en vérité libéré, le voilà plutôt condamné à la liberté.

Et on le verra errer, mélancolique, dans les rues qu’il ne semble plus reconnaître, cet Oslo devenu à ses yeux presque étranger, ces lieux de perdition où il a tant fait la fête. Oslo, 31 août est au bout du compte un triste constat d’échec.

Le Norvégien Joachim Trier, qui signe ici son second long métrage, inspiré d’un roman de Pierre Drieu La Rochelle, a fabriqué un très beau film contemplatif, méditatif, d’une grande douceur et d’une empathie sincère pour ce personnage d’éclopé rongé par le sentiment de vacuité. Les premières images, où Anders vagabonde dans les bois, anxieux, rappellent un peu le Last Days de Gus Van Sant.

Trier n’a pas voulu faire dans le silence, dans l’image «qui vaut mille mots», dans le «langage non verbal». Ses personnages sont volubiles, capables d’exprimer leurs états d’âme. Aussi certains spectateurs reprocheront peut-être à Oslo, 31 août d’être un peu bavard et «littéraire» (on y fait référence à Proust, à Schopenhauer, et du même coup à Mad Men et à Sex And the City).

Amère, désespérée mais d’une infinie tendresse, cette leçon sans morale, servie avec un minimum d’humour salvateur, nous laisse mélancolique, et c’était le but recherché. Avis aux gens qui voient du propos sociopolitique partout: non, Oslo, 31 août n’a rien d’une parabole sur la sinistre tuerie du 22 juillet 2011 en Norvège.

___________________________________________________________________

* * * *


Oslo, 31 août. Drame de Joachim Trier. Avec Anders Danielsen Lie, Hans Olay Brenner, Ingrid Olava. 1h35.