C'est l'histoire d'un violon brisé. Et d'un amour qui l'est tout autant. En portant à l'écran l'une de ses bandes dessinées, Marjane Satrapi, toujours accompagnée de son complice de cinéma Vincent Paronnaud, s'aventure cette fois dans l'univers du réalisme poétique.







Plutôt que de mimer son album sur le plan graphique (comme elle l'avait fait avec le magnifique Persepolis), l'auteure franco-iranienne transpose cette fois son histoire avec des acteurs en chair et en os. Cela dit, l'approche reste quand même fantaisiste. Décors de carton-pâte; insertion de séquences animées ou de téléroman débile à l'américaine; et, surtout, une construction dramatique éclatée.

Dans le Téhéran de 1958, le violoniste Nasser Ali (Mathieu Amalric) ne veut plus vivre. Ayant tout misé sur sa musique après la fin d'une promesse de grand amour avec une jeune femme pourtant amoureuse (Golshifteh Farahani), le musicien de réputation mondiale décide aujourd'hui de mourir. Son précieux instrument ayant été cassé en mille miettes et ne pouvant plus être remplacé, Nasser s'arrête.

Le récit s'attarde à décrire la lente agonie de cet homme malheureux, pendant laquelle ce dernier revisitera sa vie et les différents événements qui l'ont marquée. Les tournées mondiales, la vie de famille infernale avec une femme qu'il n'aime pas (Maria de Medeiros), des enfants indifférents, une mère envahissante (Isabella Rossellini).

Ponctué de flashes ingénieux, Poulet aux prunes en jette. Si Persepolis misait avant tout sur la simplicité, la dessinatrice cinéaste semble avoir voulu emprunter cette fois une approche radicalement différente. Tout en couleurs et en effets de mise en scène, le nouvel opus satrapien est «déconstruit» de telle sorte que la vie de Nasser Ali est montrée sous la forme d'un conte mélancolique un peu décalé. À cet égard, la narration assurée par Édouard Baer, dont on apprendra plus tard dans le récit le véritable rôle, est d'une justesse remarquable dans le ton.

Avec ses grands yeux ahuris, Mathieu Amalric joue le malheureux transi avec la grâce de ceux qui ont nourri leur art de leurs propres blessures. Soulignons aussi la présence remarquable - mais trop courte - de Chiara Mastroianni, magnifique de cynisme dans le rôle de la fille du musicien, maintenant devenue adulte.

En vérité, ce Poulet aux prunes a toutes les allures d'une bande dessinée, mais «en vrai». L'effet est très réussi.

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POULET AUX PRUNES. Conte réalisé par Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. Avec Mathieu Amalric, Édouard Baer, Maria de Medeiros, Golshifteh Farahani. 1 h 31.