Bons baisers de Russie, Indiana Jones et la dernière croisade, The Shadow, Le cerveau ou encore Paris brûle-t-il? Pour ne citer que ces films-là, rarement aura-t-on vu une voiture emblématique aussi souvent portée à l'écran. En avance sur son temps à sa sortie, grandement utilisée par les gangsters en Europe, elle fête cette année ses 75 ans. Elle? La Citroën Traction.
Pour qui a des souvenirs d'enfance bien marqués, pour le cinéphile averti ou pour l'amateur de voitures anciennes, la Traction - ainsi communément appelée - est l'une des voitures de l'entre-deux-guerres les plus marquantes. À sa sortie pour la première fois de l'usine en mars 1934 (un modèle 7 CV à l'époque), elle est la première à posséder un châssis monocoque; la première (pour un modèle de série) dotée de la traction avant; la première à avoir des suspensions entièrement indépendantes (par la suite hydrauliques). Elle est également plus basse que les autres voitures sur le marché. Sa tenue de route est alors impeccable. Et elle est l'une des toutes premières voitures de série au monde à pouvoir atteindre les 110 km/h.
Rapidement, les gangsters l'adoptent pour ces qualités. Lasse de les voir lui échapper, la police française l'utilise à son tour. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, elle symbolise à la fois la Résistance et la Gestapo. «Le général de Gaulle se promenait avec une Traction 15, plus large et plus spacieuse que les premières. Il rentrait là-dedans», précise Kosta Sofoulis, propriétaire d'un modèle 11 BL de 1950.
«La Traction est plus confortable qu'une anglaise. Sa technologie dépassait de beaucoup celle d'autres voitures allemandes ou britanniques de la même époque. La Traction était une quinzaine d'années en avance sur son temps; elle avait presque la technologie des voitures contemporaines», explique Richard Boudrias, propriétaire d'une Traction 15H de 1955.
Cette année-là, Citroën arrête sa production pour laisser place à la DS, qui la supplante. Le modèle 11 CV 4 cylindres a été le plus traditionnel et le plus vendu.
La Traction a sillonné les routes de l'Europe, du Moyen-Orient et de l'Asie. Elle n'a jamais été commercialisée de ce côté-ci de l'Atlantique. Mais elle circule au Québec encore aujourd'hui. Il y en aurait une trentaine d'exemplaires environ. Dont la moitié appartient à un certain «Louis XV», un collectionneur propriétaire de 15 Tractions modèle 15.
«Cette automobile est adaptée au Québec avec, évidemment, sa traction avant. C'est une des rares voitures anciennes que l'on peut utiliser au quotidien», affirme Daniel Noiseux, porteur «du virus Citroën» et propriétaire de deux exemplaires.
Il fut même un temps où la version cabriolet était relativement populaire au Québec.
«Pour avoir une Traction, il faut être patient, conseille Richard Boudrias. Si on marche au coup de coeur sans s'être informé, on risque d'être déçu.» Avis aux amateurs.