Les gens qui suivent la course automobile savent très bien qui est Alan Labrosse. Ce résidant de Repentigny est à la fois le gérant du pilote Andrew Ranger, le propriétaire de l'Autodrome St-Eustache et le promoteur de plusieurs événements automobiles au Québec, dont deux courses NASCAR Canadian Tire. Alan Labrosse est aussi le propriétaire d'une voiture ancienne assez particulière, une Frontenac 1960.

Un nom canadien

Le nom Frontenac avait déjà été utilisé par le constructeur Durant en 1931 pour un modèle qui a eu une courte carrière, se terminant en 1934. Il sera vendu à des Canadiens, qui le rebaptiseront Dominion. Plus tard, en 1960, Ford du Canada a repris le nom du gouverneur de Nouvelle-France du XVIIe siècle pour identifier une version strictement canadienne de sa nouvelle voiture compacte, la Falcon.

 

En fait, c'était surtout un exercice de marketing qui permettait à ses concessionnaires Meteor et Monarch (les versions canadiennes des Ford et Mercury) de profiter, eux aussi, de la popularité de cette nouvelle petite auto (elle devait alors faire concurrence à une importée qui gagnait en popularité: la Volkswagen).

 

De courte durée

Malheureusement, cette Frontenac n'a connu elle aussi qu'une très courte carrière, d'un an, Ford ayant décidé de lui substituer la Mercury Comet américaine au Canada (celle-ci existait aux États-Unis dès 1960). Malgré son grand succès sur notre marché, très peu de Frontenac ont survécu aux ravages du temps.

Alan Labrosse possède l'une d'elles depuis près de quatre ans. Sa Frontenac demeure en excellent état malgré ses plus de 60 000 milles (environ 100 000 km) au compteur. Elle n'a certainement vu aucun hiver. Notons, par contre, que le propriétaire de la piste de course l'utilise régulièrement.

De l'ancienne technologie

Conduire une Frontenac 1960, ce n'est pas comme conduire une voiture moderne, même si elle est équipée d'une boîte automatique... à deux rapports! Le moteur est un six cylindres en ligne de 144 pouces cubes (2,3 litres) qui fait 90 chevaux, un engin importé d'Angleterre. Il n'y a pas de servodirection ni de servofrein. Il n'y a pas de ceinture de sécurité non plus. Les essuie-glaces sont à action pneumatique et le lave-glace fonctionne grâce à une petite pompe... au pied! Le freinage se fait par quatre tambours et il manque évidemment de puissance et d'endurance. On sent vite que les tambours ont déjà chauffé. Ils sont voilés. Il y a beaucoup d'espace intérieur dans cette Frontenac à quatre portes (qui peut accueillir jusqu'à six personnes).

 

Mais tout y est d'une grande simplicité, incluant la planche de bord qui ne présente aucun rembourrage. Ce n'est qu'une simple feuille de tôle emboutie. Quant au coffre, celui-ci est vraiment spacieux, comme le veut la tradition de cette époque. La seule véritable modernité de cette auto, ce sont les pneus à carcasse radiale sur les roues de 13 pouces. Les pneus ont visiblement été ajoutés récemment.

 

La calandre de cette auto a affiché fièrement une feuille d'érable rouge, bien avant que le gouvernement canadien n'adopte l'icône sur un nouveau drapeau, l'unifolié de 1965. Le centre des enjoliveurs et même le centre du volant sont aussi frappés de ce même emblème. Cependant, notez qu'il n'y a aucune ornementation identifiant la Frontenac à la lignée Ford ou Mercury. Ce n'est qu'une Frontenac! Selon l'historien canadien Perry Zavitz, auteur de Canadian Cars 1946-1984, le prix de base d'une Frontenac était de 2360$. Et il y en a eu 9536 exemplaires.

Combien vaut une telle auto? Elle n'a tout simplement pas de prix. Alan Labrosse l'a achetée en excellent état d'un homme qui l'avait lui-même acquise neuve. Évidemment, c'est avec un soin jaloux qu'Alan Labrosse conduit et entretient cette Frontenac. Après tout, il s'agit ici d'une importante pièce de notre patrimoine automobile.