Il y a un peu moins d'un an, Honda a annoncé son retrait de la Formule 1 et a cédé son équipe quelques mois plus tard à son ancien directeur sportif, Ross Brawn... On connaît la suite.

Propulsées par une mécanique Mercedes, les ex-Honda rebaptisées Brawn remporteront vraisemblablement, cette fin de semaine sur le circuit de Sao Paulo, au Brésil, le championnat des constructeurs et des pilotes avec toute la visibilité médiatique que l'on devine. Qui se souviendra que Honda a cédé son écurie pour une livre sterling (environ 2$) afin de protéger les emplois de son usine de Brackley (site de production des monoplaces de Formule 1)? Personne.

 

Autre revers de fortune pour Honda, la technologie hybride. Honda a été le premier constructeur à la présenter au public nord-américain avec l'Insight. Elle ressemblait alors à un biplace fuselé comme un avion, ce qui était jugé beaucoup moins fonctionnel que la Prius de Toyota, apparue quelques mois plus tard. Aujourd'hui, dans l'esprit des consommateurs, Toyota est le précurseur de cette technologie qui tente de réduire notre dépendance au pétrole. De ce fait, Toyota est considéré champion de la cause environnementale.

 

Pourtant, le constructeur au H stylisé s'est toujours gardé de prendre part à la course à la puissance contre ses concurrents et a fait la sourde oreille aux demandes répétées de ses clients et de ses concessionnaires de doter ses véhicules de V8. De quoi Honda est-il le champion? Des créations stylisées?

 

En Europe peut-être, mais pas en Amérique où le constructeur japonais propose - à quelques exceptions près - des produits aussi séduisants qu'un pot de confiture. Où est la créativité? Partie avec les NSX, S2000 et autres CRX. Pourtant, on nous promet des jours meilleurs, notamment au Salon automobile qui s'ouvrira la semaine prochaine à Tokyo, mais aussi avec la sortie de deux nouveaux véhicules cet automne: l'Acura ZDX et le Honda Crosstour.

 

D'ici là, Honda veille à se rappeler «localement» au bon souvenir de tous en soulignant ses investissements et les emplois qu'il crée sur la planète. À commencer par le Canada qui, depuis 1986, a assemblé quelque cinq millions de véhicules pour le compte du groupe japonais. À ce sujet, aujourd'hui, les capacités de production d'Honda en Amérique du Nord dépassent celles du Japon. Le constructeur nippon y dispose d'un potentiel pour fabriquer 1,4 million de véhicules, par rapport à 1,3 million dans l'archipel.

 

Visite guidée

 

«Welcome to Honda Motor Manufacturing, in Alliston.» Notre guide entame sa première - et seule - visite guidée de la journée.

 

La tournée est menée au pas de charge dans différents secteurs de l'usine, et pour cause: cela devient vite ennuyant. Rien de flamboyant ici. Une usine sans charme et sans âge, où s'alignent des bureaux à aire ouverte sur une moquette à la teinte mal définie, en parallèle avec certaines sections des chaînes de montage.

 

Ennuyant, mais lassant surtout pour cet homme qui, sous nos yeux, boulonne les roues droites de chaque Civic qui défile devant lui toutes les 60 secondes. Répétitif. Lassant. Abrutissant. Par chance, cet «associé» sera réaffecté à trois autres postes de travail au cours de la journée, histoire de briser la monotonie. Cela n'a pas empêché un collègue ontarien de chuchoter à mon oreille: «Don't quit your day job.»

 

 

Absorbés par leur tâche, les «associés» attachés au site ne remarquent même plus ces petits groupes de curieux venus vérifier l'efficacité de la méthode industrielle japonaise qui, contrairement à certaines idées reçues, n'évolue pas seulement autour des robots.

 

À l'usine d'Alliston, comme dans toutes les autres de Honda, les Japonais imposent les mêmes règles: le travail en équipe, la production en juste à temps, qui permet de réduire les stocks, et un système de contrôle de la qualité très poussé.

 

Plantée en périphérie du centre-ville d'Alliston, l'usine de 700 acres est une attraction locale et attire bon an mal an 3500 visiteurs, dont le tiers ne possède pas encore de permis de conduire.

 

Près de 5000 travailleurs déambulent chaque année le long de ses chaînes d'assemblage capables de produire près de 400 000 véhicules par an. On y assemble des Civic, des CSX, des MDX, des ZDX et aussi des moteurs. Que des quatre-cylindres destinés à la Civic.

 

En tout et pour tout, 64% de toutes les Honda (et Acura) vendues au pays portent l'emblème «Made in Canada». Cependant, hormis cette usine et les «associés», peu des 300 sous-traitants sont canadiens. D'accord, mais nous avons l'usine et les quelque 16 000 personnes qui oeuvrent chez les concessionnaires de la marque.

 

Dans le calepin

- Il faut 13 heures pour assembler une Civic. En vérité, c'est cinq heures puisque huit sont consacrées seulement à la peinture (préparation, séchage, etc.).

- Au mois d'avril dernier, la 5 000 000e voiture a quitté Alliston.

-Cette année, Honda Canada prévoit vendre 60 000 Civic au Canada, une baisse par rapport à l'année dernière.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale, La Presse

Il faut 13 heures pour assembler une Civic. En vérité, c'est cinq heures puisque huit sont consacrées à la peinture.