L'avenir de Harley-Davidson amènera des changements sérieux à la marque, mais pas seulement en matière de modèles. L'interaction avec la « presse » changera elle aussi, et ça commence maintenant.

QUAND LES CONSTRUCTEURS CHANTENT

Les choses qu'on entend de la part des constructeurs... La plus des plus, la meilleure des meilleures.

Ils vendent, c'est leur travail. Faire la part des choses n'est pas difficile pour un journaliste, là n'est pas le problème.

Le problème, c'est qu'on finit par ne plus écouter.

J'en suis coupable, comme en témoigne ma grimace mentale en apprenant que l'invitation de Harley parlait d'une approche « expérientielle ». J'entends le terme de temps en temps, lancé par des experts en marketing convaincus d'avoir réinventé l'art de la vente. Mais c'est du vent.

On roule sur la moto, on prend les notes, on passe à la prochaine. D'où la grimace.

LE DOUTE À DOUBLE SENS

Ça n'est qu'après mon retour de Croatie que j'ai appris que mon scepticisme face à l'approche expérientielle était symétrique à celui du constructeur envers la presse traditionnelle, bref, envers moi.

Photo Harley-Davidson

C'est la raison pour laquelle j'étais entouré de gens inhabituels : des Instagrameux, des blogueurs et des pros du selfie plutôt que des journalistes spécialisés.

Je me demandais ce qu'ils et elles faisaient là, et ils et elles se posaient la même question à mon égard. Disons que les trois jours qu'allait durer l'expérience s'annonçaient bizarres.

Mais bon, tant que j'en retirerais l'information qui m'intéresse, j'arriverais à vivre avec le reste.

L'OURAGAN DU CHANGEMENT

Le milieu de l'information en général est en pleine transformation et le monde de la moto n'y échappe pas.

Photo Harley-Davidson

Les médias moto traditionnels, non seulement les magazines, mais aussi les sites internet spécialisés, s'effondrent littéralement.

Les vieux qui savent de quoi ils parlent sont renvoyés et remplacés par des jeunes barbus tatoués (ça n'est malheureusement pas une blague) beaucoup plus malléables. Autant du côté des médias que de celui des constructeurs, on cherche non seulement du nouveau sang, mais aussi une façon de s'entendre plus « amicalement ».

Échanger de l'info favorable pour de la pub est maintenant courant.

Je le vois, je le vis et je craignais donc ce type d'événement.

JOUR 1 : ROAD GLIDE ET STREET GLIDE

De Split, au bord de la mer Adriatique, nous prenons la route vers le nord.

Photo Harley-Davidson

Le ciel est bleu, une vingtaine de degrés, des conditions parfaites. Ni la Street Glide (la Harley-Davidson la plus vendue) ni sa cousine à carénage fixe la Road Glide ne sont nouvelles, mais pour les quelque 350 km qui nous attendent, elles font très bien l'affaire.

L'atmosphère est inhabituelle, plus détendue, surtout. Contrairement aux lancements normaux, on a du temps.

Une longue séance photo me donne l'occasion de taquiner un peu les participants japonais et sud-coréens avec qui on roule.

On rit, c'est léger.

JOUR 2 : SPORTSTER 1200 IRON ET FORTY-EIGHT SPECIAL

J'aime bien les Sportster 1200. « Adorablement non raffinées, surtout en ce qui concerne le coupleux V-Twin », disent mes notes.

Photo Harley-Davidson

Les deux nouveautés à l'essai sont de légères variantes de modèles déjà existants, ce qui est tout à fait normal chez Harley.

Heureusement, on les roule comme les propriétaires le feraient, sur de courtes distances avec un tas d'arrêts pour des photos ou un café. Je me sens presque coupable.

On étale sur une journée ce qu'on aurait coincé en une matinée dans une présentation normale. Mais je ne me plains pas.

La Croatie est belle et ses gens sont extraordinairement accueillants.

JOUR 3 : FLAT TRACK SUR STREET ROD PRÉPARÉE

La portion Flat Track est celle qui m'intrigue le plus.

Photo Harley-Davidson

Une marque ne se donne pas la peine de construire une piste ovale en terre au milieu de la campagne croatienne et d'apprêter une demi-douzaine de motos pour rien.

Je harcèle Nick, sympathique relationniste de presse britannique responsable de l'événement.

Tout ça annonce l'arrivée prochaine d'une moto de production de style Flat Track, c'est certain, et j'essaie de lui soutirer une confirmation. Il me répond non et me suggère de déposer mon carnet de notes.

Aujourd'hui, que je le croie ou non, le but est de s'amuser, c'est tout.

JOUER AU LIEU DE TRAVAILLER ?

Ça a pris un certain effort mental, mais j'ai fini par écouter Nick et par simplement m'amuser.

Photo Harley-Davidson

En une journée, Canadiens, Sud-Coréens, Japonais et Malaisiens ont appris à mettre une moto de travers sur de la terre battue et se sont même affrontés jusqu'à couronner le champion de la journée (moi, hé hé !).

C'était amical et drôle. Et un peu compétitif, bien sûr... Le soir venu, j'ai passé une soirée extraordinairement intéressante avec ces mêmes gens à discuter de tout ce qui se passe dans leur coin de la planète.

Ils étaient devenus des amis. Nous mangions dehors, le soleil se couchait sur Split, c'était un beau moment.

CONCLUSION

Très peu des mots de ce texte sont ceux d'un essai normal, simplement parce que ça n'était pas un essai normal.

Photo Bertrand Gahel, pour La Presse

L'info technique et les notes sur les nouvelles Sportster, je les ai. Je les utiliserai une autre fois.

Pour le moment, je réfléchis. Je constate combien les lancements de presse habituels peuvent être secs et détachés de la réalité de la moto.

Rouler en prenant son temps et d'une manière naturelle pour le modèle, parler avec des inconnus, rire entre amis : c'est ça, la moto, pas seulement un poids et un prix.

J'étais très sceptique face à l'approche expérientielle, mais, dans ce cas, je suis forcé de l'avouer.

J'avais tort. 

Note de la rédaction : les frais de transport et d'hébergement pour ce reportage ont été payés par Harley-Davidson.

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la moto.

Fiche technique

Marque : Harley-Davidson 

Modèle : Sportster 1200 Iron/Forty-Eight Special 

Prix : 12 399/13 399 $

Garantie : 2 ans, kilométrage illimité

Moteur : V-Twin de 1202 cc refroidi par air 

Transmission : 5 rapports, entraînement final par courroie 

Poids : 256/256 kg 

Frein avant : 1 disque avec étriers à 2 pistons (ABS opt.) 

Frein arrière : 1 disque avec étriers à 2 pistons (ABS opt.)

Pneus avant : 100/90-19/130/90-16

Pneu arrière : 150/80-16