Parmi tous les constructeurs automobiles de la planète, sans doute n'y a-t-il que Porsche qui soit en mesure de facturer plus de 90 000$ pour un véhicule mû par un moteur six cylindres de 300 chevaux. Tout comme il n'y a sans doute que Constantin Vacheron, célèbre horloger suisse, capable de vendre une montre («Tour de l'Île») près de 2 millions de dollars. Imaginez un peu le nombre de Timex que vous pourriez acheter en échange de cette somme?

Assurément beaucoup plus que le nombre de voitures qui offrent une cylindrée identique à cette Porsche, mais est-ce pour autant plus raisonnable? La réponse à cette question est complexe dans la mesure où elle doit tenir compte de la réputation du constructeur, de la force de son ingénierie, de l'offre et de la demande, sans oublier plusieurs autres facteurs, certains plus subjectifs que d'autres.

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La Panamera V6 représente une nouvelle occasion pour Porsche de tester la valeur de son image de marque face à des concurrents qui, à prix égal, en offrent plus. «Mais ce ne sont pas des Porsche», diront sans doute les amateurs de la marque ayant pardonné au constructeur de briser avec cette berline un autre tabou: celui d'assembler autre chose que des 911...

Naturellement, Porsche fait grand état de la naissance de son premier V6 (NDLR: le constructeur s'est jusqu'ici spécialisé dans les 6-cylindres à plat) qui, à en croire les responsables de la marque, lui sera exclusif, même une fois celle-ci complètement intégrée au groupe Volkswagen.

D'une cylindrée et d'une puissance rigoureusement identiques à celles d'un moteur qui tourne déjà chez VW, le 3,6-litres de Porsche est complètement différent. Pourquoi s'entêter alors à en faire un tout neuf? Tout simplement parce que les caractéristiques du 3,6-litres de Volkswagen - l'angle d'ouverture des cylindres notamment - ne correspondent pas aux exigences des ingénieurs en matière de tenue de route (centre de gravité plus élevé) et de performances. Voilà pour la réponse officielle. Officieusement, Porsche tente visiblement par tous les moyens de dégager les économies d'échelle que recherche son «nouveau» propriétaire pour préserver son fonds de commerce: son image. Volkswagen a l'habitude de ce genre de conflit. Il y a quelques années, Audi a déjà eu lui aussi la même attitude avec ses moteurs six cylindres qu'elle souhaitait monter en position longitudinale et non transversale comme le faisait la société mère.

Assez, la chicane!

Laissons de côté cette chicane de famille et attardons-nous plutôt sur les origines de ce V6 nouveau. Inédit, peut-être, mais tout de même pas issu d'une feuille blanche pour autant puisque ce 3,6-litres émane en fait du V8 maison auquel on a amputé, grosso modo, deux cylindres. En voilà une économie d'échelle, non?

Sur papier, on doute un peu de la vigueur qu'aura ce V6 à entraîner rapidement une automobile aussi lourde que la Panamera. Et avec raison dans la mesure où, selon les mesures enregistrées par le constructeur, elle mettra près de 7 secondes pour atteindre les 100 km/h après un départ arrêté. Aussi bien dire une éternité lorsqu'il s'agit d'une Porsche.

Cependant, cette mesure a été réalisée avec une version dotée d'une boîte manuelle à six rapports que nous n'aurons pas. En lieu et place, toutes les Panamera V6 vendues sur notre territoire à compter de l'automne bénéficieront de la fameuse Porsche-Doppelkupplung (dites seulement PDK), boîte sept rapports à double embrayage. La rapidité de celle-ci permet de gagner plusieurs dixièmes de secondes et d'amener la Panamera à franchir la vitesse limite imposée sur nos autoroutes en 6,3 secondes. Pas assez vite? Alors empressez-vous d'obtenir la version V6 à rouage intégral - sa motricité est supérieure - et vous retrancherez ainsi deux autres dixièmes.

Mais il est possible de faire mieux encore en optant pour le groupe Sport Chrono, mais cela vous coûtera encore plus cher. En gros, pour retrancher quatre dixièmes de seconde, il vous en coûtera au bas mot une bonne dizaine de milliers de dollars. Êtes-vous si pressé?

À l'arrêt et de l'intérieur, rien ne laisse vraiment deviner la présence d'un six-cylindres. En revanche, de l'extérieur, appuyé sur l'une des ailes, on entend clairement sa voix tremblante (à l'idée du travail qu'il doit accomplir?) et râpeuse qui n'est pas sans rappeler le timbre des V6 de Mercedes. Positionnez-vous maintenant à l'arrière, près des sorties d'échappement, et c'est beaucoup plus bestial comme cri, même s'il est clair qu'aujourd'hui, avec la technique, il est presque possible de faire sonner le 3-cylindres d'une Smart comme un V8 6,2 litres AMG de Mercedes. J'exagère à peine.

Sur la route, le V6 démontre qu'il ne manque pas de «pédale». Les temps d'accélération annoncés sont vérifiables (et respectés) et la Panamera file aisément à plus de 230 km/h sur l'Autobahn (là où nous l'avons entre autres étrenné) sans montrer le moindre signe de fatigue. Les relances paraissent plus difficiles, même si la boîte PDK saisit vigoureusement le moteur par la bride pour lui rappeler l'urgence de la situation. Dans le cadre d'une conduite plus paisible, cependant, cette même boîte veille a escaladé au plus vite ses rapports pour maximiser la consommation qui, en moyenne, sera inférieure à 11 L/100 km. Une performance étonnante en grande partie redevable au dispositif de coupure automatique à l'arrêt dont est équipé le véhicule.

Quant aux sensations éprouvées au volant, elles sont sensiblement les mêmes que celles des versions supérieures. Malgré un rayon de braquage assez court et une direction qui fait preuve d'une (trop) grande légèreté à basse vitesse, cette berline se révèle encombrante, lourde et difficile à manoeuvrer parfois en raison de la piètre visibilité, surtout à l'arrière. En revanche, la Panamera excelle sur les voies rapides. Sa direction gagne alors en fermeté et oublie rapidement ses généreuses dimensions extérieures. Collée à la route, la Panamera apparaît imperturbable, même à des vitesses deux fois supérieures à celles imposées légalement au Québec. Il est rassurant, dans ces conditions, de pouvoir compter sur un système de freinage à la hauteur, capable d'immobiliser pareil missile terrestre.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Sur papier, on doute un peu de la vigueur qu'aura ce V6 à entraîner rapidement une automobile aussi lourde que la Panamera. Et avec raison dans la mesure où, selon les mesures enregistrées par le constructeur, elle mettra près de 7 secondes pour atteindre les 100 km/h après un départ arrêté. Aussi bien dire une éternité lorsqu'il s'agit d'une Porsche.

Ah! ces options

Conscient de pouvoir faire tinter encore et encore son tiroir-caisse, Porsche ouvre tout grand son catalogue d'accessoires. De la suspension pneumatique aux barres stabilisatrices ajustables en passant par les phares bi-xénon orientables, Porsche ne manque pas d'idées pour soulager votre porte-monnaie. Y compris quand vient le temps de choisir la teinte extérieure. En fait, hormis le noir ou le blanc, les teintes métallisées commandent un supplément de 1080$ alors que les «spéciales», elles, entraînent un déboursé de 4280$. Ici, les possibilités de personnalisation sont immenses.

Peu importe les limites de votre budget, la Panamera propose un habitacle décoré avec goût, étonnamment spacieux, doté de ridicules porte-gobelets et de plein de boutons. Il y en a une cinquantaine en tout. C'est beaucoup trop pour un consommateur qui apprécie la relative simplicité des dispositifs intégrés de la concurrence qui, à l'aide d'une molette (BMW) ou d'une souris (Lexus), permet de naviguer de menus en sous-menus, mais pour les autres, comme moi, qui ont en horreur ces systèmes, la solution Porsche apparaît plus conviviale et plus cool aussi.

Au final, cette Panamera V6 aura du mal à soutenir la comparaison avec les berlines de luxe actuelles, toutes mues par un V8 à ce prix et souvent mieux loties en matière d'accessoires, mais c'est une Porsche. Cela dit tout. Ou rien.

ON AIME

Dispositif de coupure automatique

Habitabilité à l'arrière surprenante

Conduite Grand Tourisme

ON AIME MOINS

Poids et encombrement

Performances tributaires des options

Porte-gobelets ridicules

CE QU'IL FAUT RETENIR

Fourchette de prix: 88 000$ à 92 800$

Frais de transport: 1115$ (excluant la préparation)

Garantie de base: 48 mois/80 000 km

Consommation obtenue lors de l'essai: non mesurée

Pour en savoir plus: www.porsche.ca

SURVOL TECHNIQUE

Moteur: V6 DACT 3,6 litres

Puissance: 300 ch à 6200 tr/min

Couple: 295 lb-pi à 3750 tr/min

Poids: 1760 kg

Rapport poids/puissance: 5,86 kg/ch

Accélération (0-100 km/h): 6,3 secondes

Mode: Propulsion (roues arrière motrices)

Transmission de série: Semi-automatique 7 rapports

Autres transmissions: Aucune

Direction/diamètre de braquage (mètres): Crémaillère/nd

Freins/ABS: Disque/de série

Pneus (de série): 245/50R18 - 275/45R18

Capacité du réservoir/essence recommandée: 80 litres/super

Une partie des frais de transport et d'hébergement liés à la réalisation de ce reportage ont été payés par Porsche Canada.

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

La Panamera propose un habitacle décoré avec goût, étonnamment spacieux, doté de ridicules porte-gobelets et de plein de boutons. Il y en a une cinquantaine en tout.