Conduire une voiture, c'est un peu comme monter à cheval. Pas de problème si la bête est docile et bien dressée, mais attention à la casse s'il s'agit d'un cheval sauvage. Et si le cheval en question est un Cavallino Rampante piaffant d'impatience, vaut mieux savoir comment aborder l'animal. Car il s'agit ici de dompter non pas un seul cheval, mais une écurie complète de 400 bêtes au tempérament de feu.

Le rêve de Daniel Watkins

«Je rêvais d'une 288 GTO depuis 20 ans, raconte le sympathique Daniel Watkins, un Britannique qui vit à Boston. Avec son V8 biturbo et ses 400 chevaux qui se déchaînent sans crier gare, vous devez montrer un peu de retenue si vous ne voulez pas partir un tête-à-queue à chaque reprise.

«Il faut du doigté pour conduire cette Ferrari. L'essentiel, c'est de ne pas enfoncer l'accélérateur tant que le volant est braqué. La voiture a été conçue pour la compétition en Groupe B dans les années 80, mais on peut la conduire sur route, à condition de la traiter avec respect.»

C'est au concours d'élégance Cavallino que nous avons rencontré Daniel Watkins et son authentique 288 GTO 1985, numéro de série 52 739. Elle a appartenu en premier à Ralph Loren, fin connaisseur de voitures d'exception, qui l'a vendue à Watkins en 2002.

Elle emprunte son nom à la 250 GTO des années 60, mais la 288 GTO ne doit rien d'autre à sa mythique devancière. En effet, cette première supervoiture moderne de Ferrari, la première aussi à dépasser les 300 km/h, préfigure les redoutables F 40 et F 50.

Basée sur la 308 GTB

Si son apparence rappelle une autre Ferrari, c'est que la 288 GTO est basée sur la plus modeste 308 GTB. Mais sa raison d'être est la compétition. À cette fin, elle devait être produite à 200 exemplaires pour satisfaire à l'homologation en groupe B et munie d'un moteur d'une cylindrée maximale de 4 litres. Mais puisque Ferrari avait opté pour la suralimentation par turbocompresseur, le règlement sportif imposait un coefficient de «pénalité» de 1,4, ramenant ainsi la cylindrée à 2,8 litres. D'où l'appellation du modèle: 288, le dernier 8 désignant le nombre de cylindres.

Ce V8 de 2,8 litres dopé par un turbocompresseur par rangée de cylindres développe donc la puissance faramineuse de 400 chevaux à 7000 tr/mn. Comparez cette puissance à celle du V8 de 3 litres dont il est issu (240 ch) ou, plus près de nous, au V6 de 3 litres de la Ford Fusion 2008 (221 ch), et vous comprendrez la mise en garde formulée par Daniel Watkins, surtout quand on sait que le couple maximal de 366 livres-pied se présente très rapidement sur une machine ne pesant que 1160 kg (le poids d'une Miata...).

Autre différence importante avec la 308 GTB, le V8 est placé au centre, mais dans le sens de la longueur et non de la largeur, ce qui élimine le «coffre» qui occupe l'arrière de la 308. Évidemment, pour supporter l'augmentation de puissance et satisfaire aux impératifs de la course, le châssis est renforcé et allégé, et l'habitacle est réduit à sa plus simple expression. N'empêche qu'il était possible de commander la 288 avec quelques équipements de confort, dont la climatisation, les vitres électriques et la radio. Moyennant supplément, bien entendu.

Hélas, la Ferrari 288 GTO n'a jamais pu faire ses preuves en compétition pour la bonne raison que les courses du Groupe B ont été annulées par la FIA. Les 274 unités produites ont donc toutes été confinées à un usage bassement routier.

Pour les aficionados de la marque italienne, la 288 GTO occupe une place spéciale dans la dynastie, car elle représente la Ferrari pure, dure et sans compromis qu'affectionnait le Commendatore. Rappelons qu'à ses débuts, l'homme aux lunettes fumées avait qualifié de «prostitution» la production de voitures de route; seule l'insistance de ses proches collaborateurs - et le coût élevé de la compétition - lui ont finalement fait changer d'avis.