Les États-Unis ont eu Shelby et ses Cobra; l'Italie, Abarth et ses Fiat; l'Angleterre, Cooper et ses Mini. La France aussi a eu son «sorcier»: Amédée Gordini (1899-1979), mécanicien, préparateur et constructeur.

Ces quatre magiciens ont repris le même thème: transformer une paisible auto de série en voiture sport pour amateurs au portefeuille dégarni mais désireux de se frotter aux propriétaires de voitures sport pures et dures bien plus coûteuses.

La boîte à chaussures

Si vous étiez là pour l'Expo 67, vous vous souvenez que Renault faisait partie du paysage automobile québécois. Les amateurs de petites voitures se souviendront notamment de la Renault8, une petite berline quatre portes aux formes très carrées, aussi sexy qu'une boîte à chaussures. Née en 1962, la R8 était animée par un robuste quatre-cylindres logé à l'arrière. Baptisé Sierra, ce moteur avait un bloc à cinq paliers, contrairement à la plupart des quatre-cylindres de l'époque, dont le vilebrequin tournait sur trois paliers seulement. Cette caractéristique procurait au Sierra une belle robustesse, de faibles vibrations et la capacité de «monter dans les tours», comme on disait alors pour signifier que le moteur avait un régime maximum assez élevé.

Attention, ça freine solide!

D'une cylindrée de 1,1 litre, la R8 Major (version «luxueuse») s'est distinguée par une maniabilité hors du commun en ville grâce à sa direction à crémaillère précise et légère, à son empattement court et à son poids plume. En outre, ses quatre freins à disque en ont fait une championne du freinage. À une époque où les freins à disque étaient réservés à quelques rares voitures sport, la R8 et ses quatre disques de série ont témoigné de l'importance qu'accordait Renault à la sécurité active et marqué une première pour l'industrie automobile. Question tenue de route, dans des mains habiles, la R8 permettait de s'amuser, à l'instar de la Porsche 911. Mais attention, le survirage brutal guettait les téméraires. Attention aussi sur grand route, car l'avant léger de la R8 la rendait sensible aux vents latéraux. D'ailleurs, j'en connais plusieurs qui roulaient l'hiver avec un ou deux sacs de sable dans le généreux coffre avant, question de coller un peu plus les roues directrices au sol.

Craignant le succès de la Mini Cooper, Renault s'est associé à Amédée Gordini et a lancé la R8 Gordini en 1964, permettant ainsi à toute une clientèle de fervents de conduite sportive de satisfaire leur passion sans pour cela devoir investir plus que le prix d'une voiture de grande série. C'est ainsi que la «Gorde» est devenue une icône dans le monde du sport automobile français, grâce à son prix abordable et à sa sportivité. Au Québec aussi, les Gordini se sont distinguées sur circuit et nous ont laissé des images inoubliables sur les pistes de glace, battant sans difficulté des voitures bien plus imposantes.

Près de 180 km/h

Le secret de la R8 Gordini: d'abord le moteur, porté à 1,3 litre, coiffé d'une culasse spécifique Gordini et alimenté par deux gros carburateurs double corps, accolé à une boîte à cinq vitesses. Avec plus de 100 chevaux pour moins de 900 kg, la Gordini dominait, battant en rallye les puissantes Alfa Romeo GTÀ et autres Porsche 911.

Elle avait aussi une suspension indépendante abaissée et assortie de doubles amortisseurs à l'arrière, un servofrein pour renforcer encore plus le freinage déjà remarquable, et un deuxième réservoir d'essence logé dans le fond du coffre avant, sans oublier l'instrumentation complète ainsi que des roues et des pneus plus costauds.

Robe bleu de France

Habillée d'une robe bleu de France, agrémentée de deux bandes blanches et de quatre phares sur la face avant, la «boîte à chaussures» s'est transformée en redoutable bête de route et de piste capable de friser les 180 km/h. Coeurs sensibles, s'abstenir.

Grand amateur de Citroën, Daniel Noiseux, de Montréal, n'a pas pu résister aux charmes de la R8 Gordini. Authentique jusqu'au dernier boulon, sa Gorde fait sourire les «vieux» boomers et surprend les plus jeunes, qui se retournent sur son passage dans les rues de Montréal.

Quelques tours de roue à son volant nous ont rappelé la douceur de nos 20 ans.