Moteur central en position transversale, suspensions entièrement indépendantes, structure monocoque en treillis (space frame), panneaux de carrosserie en matière plastique, profil aérodynamique, freins à disques. Lotus? Lamborghini? Ferrari? Non, Pontiac.

Plus précisément Pontiac Fiero. Et pourtant, malgré toutes ces qualités d'avant-garde et des airs séduisants de petite Ferrari, elle n'a vécu que quatre ans, de 1984 à 1988.

Corvair, Vega, Fiero, même triste destin

Ceux qui se souviennent de la Chevrolet Corvair (1960-1969) et de la Chevrolet Vega (1971-1977) savent que la Fiero a subi plus au moins le même sort: elles ont toutes été sabordées à cause d'un souci d'économies de bouts de chandelle et d'un manque flagrant de rigueur.

Mais revenons à 1984 et à un certain John DeLorean, coloré dirigeant de General Motors qui réussit à convaincre ses collègues de la haute direction du bien-fondé du projet d'une petite biplace sport abordable. Deux faits importants: premièrement, le marché ne compte alors pratiquement pas de voitures sport abordables, tuées quelques années auparavant par les normes de sécurité, les crises du pétrole et l'industrie des assurances. Et la Mazda Miata ne verra le jour qu'en 1989. N'empêche que le besoin est là et que John DeLorean a su le détecter.

Évidemment, DeLorean doit vaincre le conformisme de ses collègues et les réticences des comptables et financiers qui se méfient comme de la peste de tout ce qui est différent. Mais le projet Fiero (fier en italien) finit par recevoir le feu vert, et la petite biplace à moteur central (une première pour l'industrie américaine) voit le jour en 1984, se hissant immédiatement parmi les 10 meilleurs modèles 1984 de l'influent magazine Road&Track.

Espoirs déçus

Malheureusement, si le concept est séduisant, sa réalisation est moins brillante. En effet, la Fiero doit se contenter de nombreux éléments puisés dans le stock existant de GM. C'est ainsi que le moteur est le vétuste quatre-cylindres de 2,5 litres en fonte, surnommé Iron Duke, accolé à une boîte manuelle à quatre vitesses à rapport long ou d'une boîte automatique à trois rapports, pas tout à fait ce qu'il faut pour donner une image sportive. D'ailleurs, les bonzes du marketing annoncent la Fiero comme une petite voiture économique, une mission qui ne colle tout simplement pas à une biplace à moteur central...

Viennent ensuite les suspensions et les freins; l'avant provient de la Chevrolet Chevette et l'arrière de la Chevrolet Citation. La Citation (une traction à moteur transversal) prête aussi à la Fiero son groupe motopropulseur et le berceau qui le porte, tout simplement transposé au centre de la voiture, derrière les deux occupants. Ces emprunts réussissent à réduire les coûts de fabrication (comme pour la Corvair), mais la Fiero a un comportement routier douteux (comme la Corvair...) et les avantages de l'architecture à moteur central ne peuvent tout simplement pas se matérialiser. La presse automobile, d'abord enthousiasmée, exprime rapidement sa déception.

Mais le public, toujours quelques pas en retard par rapport à la presse spécialisée, accueille favorablement la belle petite sportive aux allures futuristes, au point où l'usine Pontiac doit accélérer la cadence pour suffire à la demande en 1984.

N'empêche que la petite est mal née, et GM doit une fois de plus ramer à contre-courant pour corriger ses défauts de conception et sa piètre qualité d'assemblage. C'est ainsi que, en 1985, Pontiac lance la Fiero GT plus puissante, à moteur V6 (celui de la Citation), et dotée d'une suspension mieux adaptée, suivie en 1986 d'une refonte de la carrosserie.

En 1988, la Fiero se transforme enfin en véritable petite voiture sport: refonte complète des suspensions et des freins et moteurs plus performants. Hélas, le public, moins dupe qu'en 1986, se détourne de la Fiero. Les ventes chutent et les bénéfices aussi. Pourtant, GM préparait deux nouveaux moteurs qui auraient pu donner un deuxième souffle à la petite mal-aimée. C'est ainsi qu'après avoir dépensé 30 millions pour cette dernière refonte, GM abandonne la Fiero. Il faut attendre les années 2000 pour revoir naître chez GM une petite voiture sport abordable, la Pontiac Solstice. Entre-temps, la Miata, née juste après la mort de la Fiero et construite à près d'un million d'exemplaires en près de 20 ans, a raflé tout le marché.

John DeLorean avait vu juste. Mais, comme disait l'autre, nul n'est prophète en son pays.