L'industrie automobile mondiale est entrée dans une nouvelle ère marquée par une redéfinition des frontières. L'épicentre de cette transformation est facilement identifiable: Detroit a perdu son emprise.

Les effets de cette restructuration sur la carte du monde automobile sont des plus intrigants. Tout particulièrement pour le Canada, qui pourrait se doter, probablement pour une première fois en 100 ans, d'un constructeur d'automobiles d'envergure. Conséquence imprévue: la motorisation électrique, un sujet qui n'a jamais soulevé les passions politiques et économiques au pays, est aujourd'hui au programme de plusieurs gouvernements provinciaux, dont l'Ontario et le Québec.

 

D'un point de vue canadien, le rachat prévu de la bannière allemande Opel par l'équipementier canadien Magna est le plus important effet de l'écrasement de General Motors. Magna, qui a reçu un énorme coup de pouce financier d'une banque russe, affirme depuis plus d'un an vouloir mettre au point toutes les composantes nécessaires à la production en série de voitures électriques. Il y a moins de six mois, le numéro deux de Magna, Siegfried Wolf, réduisait la faisabilité de ce projet à la simple conclusion d'une entente avec un fabricant d'automobiles intéressé à déposer une carrosserie sur sa technologie.

Chez nos voisins du Sud, mises à part la fermeture d'usines et les nombreuses coupes associées au dégraissage de Chrysler et de GM, c'est avant tout l'éventuelle propriété italienne de Chrysler qui frappe le plus l'imaginaire. La jeunesse ontarienne du président de Fiat, Sergio Marchionne, et le redressement financier spectaculaire de l'entreprise ces cinq dernières années ne sont probablement pas étrangers à ce mariage inusité.

Du côté de GM, il faudra voir à plus long terme ce que donneront la vente de la bannière Hummer à un groupe chinois, celle de Saturn au groupe américain Penske et, enfin, celle de la filiale allemande Opel à Magna pour avoir le portrait exact de la situation pour ces trois marques. Verra-t-on sous peu un Hummer à moteur électrique, des Saturn assemblées au Canada en sous-main par Magna ou même, pourquoi pas, des Opel en vente libre chez nous? Ce sont les promesses entendues ces dernières semaines, mais la réalité pourrait être bien plus compliquée.

En Europe

Sur le Vieux Continent, le rôle des gouvernements nationaux n'a pas été étranger aux changements survenus au cours des derniers mois. L'Allemagne a surveillé de près les négociations entourant la vente de la filiale Opel de General Motors, et a finalement conclu que la meilleure solution serait probablement de céder le tout au groupe dirigé par Magna et son partenaire russe. D'un autre côté, le gouvernement a donné sa bénédiction à un éventuel rachat du groupe Volkswagen par la richissime Porsche, projet qui a finalement avorté quand on s'est aperçu que cette dernière était un peu trop endettée...

En Suède, l'avenir incertain de la marque Saab, une autre propriété de GM, s'est transformé en réflexion sur le rôle à jouer pour le gouvernement: aider GM directement ou trouver un acheteur potentiel? En fin de compte, la propriété de Saab pourrait revenir à un autre groupe suédois qui, comme Magna, cherche un moyen de mettre en marché des voitures électriques.

Enfin, en Angleterre, c'est un peu le monde à l'envers, puisque ce sont désormais des intérêts indiens qui dirigent deux anciens joyaux britanniques, Jaguar et Land Rover. Tata Motors n'a pas encore indiqué quel sera leur rôle dans sa stratégie d'expansion en Europe et, possiblement, en Amérique.

En Asie

En Asie, c'est la Chine qui retient l'attention. Pour deux raisons: d'abord, c'est une société chinoise qui a racheté la marque Hummer, honnie des écolos depuis des années. Le groupe Sichuan Tengzhong Industries promet toutefois d'y voir, l'empire du Milieu s'étant découvert une nouvelle passion pour la motorisation électrique.

Deux autres constructeurs d'automobiles, Chery et SIAC, ont aussi déclaré leur ambition d'investir le plus tôt possible le marché nord-américain grâce à leurs produits très bas de gamme. Vu leur qualité et leur niveau de sécurité plus que douteux, il y a encore du chemin à faire avant que ce voeu ne se réalise.

Plus que tout le reste, cependant, c'est le marché de consommation chinois qui risque de transformer de façon plus marquée le paysage automobile à moyen terme. Dès l'an prochain, les Chinois pourraient acheter plus de voitures neuves que les Américains, attirant l'attention de tous les constructeurs vers des produits plus petits et plus abordables.