La voiture en libre-service semble pertinente, mais est-elle pour autant bénéfique aux centres-villes ? Si les premières données sur ce nouveau service à Montréal nous en apprennent beaucoup sur ses utilisateurs, elles ne permettent pas de savoir quel est son impact réel sur la mobilité des personnes.

Deux chercheurs de l'École Polytechnique de Montréal se sont penchés sur les caractéristiques de la voiture en libre-service, depuis sa toute première apparition dans les rues de la métropole l'été dernier jusqu'à l'hiver. Au-delà du profil - parfois surprenant - de l'utilisateur type, cette analyse soulève bien des questions.

Les transactions et réponses obtenues auprès des 1642 membres du programme Auto-Mobile de Communauto démontrent que les voitures en libre-service du service d'auto-partage montréalais sont de plus en plus utilisées et que cette croissance dépend du nombre de voitures disponibles. « Le nombre de déplacements augmente avec le nombre de voitures de plus en plus disponibles. Les citoyens sont encore en train de s'adapter à ce service. On découvre ce service ici, à travers le monde aussi. C'est une nouvelle niche dans le domaine du transport », commente Martin Trépanier, l'un des deux auteurs de cette analyse.

Les chiffres dégagés par ce professeur au département de mathématiques et génie industriel de Polytechnique Montréal font état de 60 véhicules en libre-service utilisés en moyenne chaque semaine et d'un peu plus de deux utilisations par semaine de la part d'un abonné type. Ce qui paraît relativement peu. Néanmoins, Communauto, comme car2go, son concurrent, - qui n'a pas été sollicité pour cette analyse - n'offre ce service que dans trois arrondissements depuis novembre dernier. L'été a été réservé à un projet pilote et l'hiver a pu influer sur l'utilisation de ces voitures.

« Le libre-service est pertinent, les gens le souhaitent, il y a une demande d'utilisation. Mais quelle est sa capacité à remplacer l'automobile ? », s'interroge Marco Viviani, directeur des relations publiques de Communauto.

Les deux chercheurs de Polytechnique n'ont pas encore de réponse. « On ne sait pas si le libre-service peut remplacer l'achat d'une auto ou retarder tout futur achat », dit M. Trépanier. D'autant plus qu'initialement, 84,22 % des utilisateurs du libre-service chez Communauto ne possèdent pas de voiture.

L'expérience de l'auto-partage traditionnel montre qu'il y a tout de même un effet à terme sur le parc automobile. En 2010, 90 % des membres de Communauto ont vendu leur voiture ou ont annulé ou retardé l'achat d'une auto.

Mais il y a une nuance. En réalité, ce n'est pas le libre-service ou l'auto-partage seul qui conditionnerait le détachement à l'égard d'une voiture, mais l'ensemble des modes de transport. « Avec plusieurs modes de transport, les gens sont moins attachés à avoir une voiture », appuie M. Trépanier.

Lors du lancement officiel du libre-service de Communauto et de car2go en novembre, on a craint que cela ne concurrence sérieusement les transports en commun et le taxi. Là encore, cette première analyse n'apporte pas de réponse claire. « On n'est pas en mesure de l'évaluer », confirme le professeur.

Les résultats de l'analyse de M. Trépanier et de sa collègue Catherine Morency montrent pourtant que sans le libre-service de Communauto, en période estivale, 24 % des usagers auraient pris les transports en commun, 18 % le service régulier d'auto-partage de Communauto, 14 % auraient fait le trajet à pied et seulement 13 % auraient pris le taxi. En hiver, ils auraient été plus nombreux à prendre les transports en commun (39 %) mais tout autant à prendre un taxi (13 %).

Les auteurs de cette analyse estiment que les voitures en libre-service « répondent manifestement à un besoin » mais qu'il reste à juger l'impact réel de celles-ci sur la mobilité des Montréalais. Pour ce faire, il faudra s'appuyer sur une longue période d'au moins un an, prendre en compte l'important parc automobile de car2go et attendre que le service se développe dans d'autres arrondissements.

« La démonstration des bénéfices du libre-service demande davantage d'analyses », conclut le PDG de Communauto, Benoît Robert.

Le libre-service de Communauto

> 64 % des utilisateurs sont des femmes.

> Environ 30 % des utilisateurs ont 50 ans et plus, seulement 12 % ont moins de 30 ans.

> Un déplacement dure 27 minutes en moyenne pour 6,5 km de distance parcourue en moyenne.

> 39 % des usagers se déplacent pour faire les courses, 17 % pour rentrer chez eux et 4 % pour se rendre au travail.