Requinqué par une croissance «inespérée» des ventes en 2015, le secteur automobile européen se retrouve la semaine prochaine au salon de Genève où le scandale Volkswagen et ses conséquences resteront néanmoins dans toutes les têtes.

Pour sa 86e édition, cette fête de l'automobile qui ouvre ses portes mardi aux médias puis au public jeudi, a attiré 200 exposants venus de 30 pays. Les organisateurs tablent sur entre 650 000 et 700 000 visiteurs qui pourront admirer jusqu'au 13 mars «plus de 120 premières mondiales et européennes».

Parmi les nouveautés les plus attendues figure la «Chiron» de Bugatti, qui succède à la «Veyron» au firmament des voitures de série les plus puissantes, les plus rapides et les plus chères, environ 2 millions d'euros (3 millions $ CAN). Une autre enseigne de «supercars» du groupe Volkswagen, Lamborghini, présentera de son côté la «Centenario».

Moins exclusive mais encore luxueuse, la «Levante» de Maserati constituera la première incursion de cette marque du groupe Fiat Chrysler dans un segment des VUS toujours en pleine croissance. À Genève, il s'enrichira du Kia Niro hybride, d'un petit Toyota et des contributions de marques cousines du groupe Volkswagen: le Seat Ateca et le Skoda VisionS.

Même s'ils ont été détrônés par les VUS, 4x4 urbains et autres multisegments, des segments veulent continuer à exister, témoin le pari de Renault qui va montrer à Genève la quatrième génération de son monospace Scénic et la Mégane break. Parmi les marques misant sur des versions rallongées, Kia et Volvo, feront découvrir respectivement l'Optima Sportswagon et le V90.

Le secteur automobile européen, qui avait souffert de la crise de 2008-2013, a tourné la page en 2015 avec une croissance des immatriculations de 9,3% à 13,7 millions d'unités. «Une performance assez inespérée, au-delà de tout ce qui avait été prévu», explique à l'AFP François Jaumain, associé responsable du secteur automobile chez PwC.

Durcissement des normes antipollution

Il évoque un «alignement de planètes: le fort rebond des marchés du Sud et un phénomène très important d'achats de renouvellement qui avaient été différés pendant très longtemps». En outre, malgré un contexte macroéconomique mitigé, «le pétrole est bas, les taux d'intérêt sont bas, et cela a énormément pesé dans les achats des consommateurs».

Pour 2016, la plupart des analystes tablent sur une croissance plus modeste du marché, entre 2,4% et 5%, ce qui pourrait permettre de dépasser les 14 millions d'unités, encore loin toutefois du record de 2007 (près de 16 millions).

«Pour tous les constructeurs qui sont très présents en Europe, l'année s'annonce bien, car il y a encore un effet de rattrapage», note Ferdinand Dudenhöffer, directeur du centre de recherche CAR.

Restructurés sous la contrainte de la crise, des constructeurs ont bénéficié de la reprise: PSA Peugeot Citroën, deuxième groupe européen, vient de publier son premier bénéfice en cinq ans, et Renault, troisième, a dégagé près de trois milliards d'euros de résultat net.

Ombre à ce tableau, Volkswagen. Le géant aux 12 marques, qui s'arrogeait en 2015 25% de parts de marché sur le Vieux continent, a subi un coup dur en septembre avec l'éclatement d'un scandale planétaire: des moteurs sciemment truqués pour tromper les tests antipollution américains.

«Volkswagen va se montrer plus modeste qu'à l'accoutumée. Le groupe cherche à apparaître plus ouvert, plus transparent et on devrait voir à Genève cette nouvelle culture, les premiers résultats du "nouveau Volkswagen"», prophétise Stefan Bratzel, expert automobile allemand de l'institut CAM.

«Leur stratégie va être plutôt de montrer tout ce qui est véhicule écologique, hybride et électrique», suggère Yann Lacroix, expert automobile chez l'assureur Euler Hermes.

L'affaire, qui a contraint la firme à reporter la publication de ses résultats annuels et provoqué un effritement de ses ventes, a eu des effets sur l'industrie tout entière.

Elle a en effet posé la question de la pertinence d'avantages fiscaux consentis au diesel et attiré l'attention des pouvoirs publics sur les émissions des véhicules en conditions réelles d'utilisation, au delà des tests d'homologation européens. Jugées dépassées, ces normes sont en cours de durcissement.

«Chaque constructeur va devoir consacrer des dizaines de millions d'euros à l'adaptation de ses moteurs diesel à ces nouveaux tests», prévient M. Dudenhöffer.