Dans l'imaginaire collectif des automobilistes québécois, Acura et Lincoln souffrent d'un déficit de repères symboliques. Cela ne les a jamais empêchés, de temps à autre, de tirer leur épingle du jeu ni de lancer des modèles à succès brillants, mais sans aura particulière.

Or, avec la montée en puissance des multisegments compacts - ces camions capables de tout, mais qui n'excellent en rien - cette identité un peu flottante peut-elle permettre aux RDX et MKC de sortir du lot et secouer les hiérarchies établies? Rien n'est moins sûr, mais laquelle a le plus de chance d'y parvenir?

Ces deux marques - Lincoln tout particulièrement - n'ayant pas de comptes à rendre à une pesante tradition, ont-elles la capacité de se réinventer, de capter les humeurs de l'époque? Le défi est immense, mais pas impossible. D'autant qu'Acura et Lincoln se trouvent actuellement dans une phase de reconstruction et consacrent d'énormes moyens pour s'immiscer dans une caste - prestige - où n'entre pas qui veut.

Nomenclature

Si les deux marques aspirent à se forger une identité aux contours mieux définis, il faudra encore du temps pour qu'elles obtiennent la reconnaissance du public. L'Acura RDX, surtout, qui, depuis sa refonte, donne l'impression d'être à contre-courant des tendances de l'heure. À ce sujet, rappelons que la première mouture de ce modèle adoptait un (avant-gardiste) quatre-cylindres turbo, lequel fut remplacé par un V6 sous prétexte qu'il consommait moins de carburant. Le public a eu peine à croire à cet argument, même si, dans les faits, il était véridique.

À l'heure où la réduction de la cylindrée (downsizing) se trouve au coeur des préoccupations des constructeurs automobiles, l'approche Lincoln apparaît - sur papier - des plus sensées. D'autant que la marque américaine donne à l'acheteur du MKC le choix entre deux propulseurs quatre cylindres (2 et 2,3 L), tous deux issus de la famille Ecoboost.

Habitacle

La valorisation du client et de ses passagers représente l'objectif ultime recherché, mais une seule de ces marques y parvient: Lincoln. La filiale de Ford doit sans doute voir à améliorer le grain et la texture de certains garnissages de ses habitacles, mais elle n'a rien perdu de ses talents de décorateur. Les appliqués sont correctement exécutés et le mariage des couleurs témoigne d'un goût certain pour peu que le consommateur y mette le prix. Sans être véritablement d'une facture supérieure à ceux utilisés par Lincoln, le choix des matériaux apparaît chez Acura plus recherché, mais l'ambiance y est plus lourde, moins aérée, comme s'il manquait de place pour loger toutes les commandes. D'ailleurs, les rangements y sont moins généreux que sur la Lincoln.

En dépit de ces récriminations, pour la plupart subjectives, à l'encontre d'Acura, force est de reconnaître que la japonaise offre cependant les assises les plus confortables. À l'avant surtout. Les baquets enveloppent mieux et se feront davantage apprécier que ceux de la Lincoln dont le coussin est trop court pour assurer un maintien correct au niveau des cuisses.

Même si le dispositif Sync a connu sa part d'ennuis par le passé, celui-ci demeure supérieur à celui offert actuellement par Acura. Ce dernier est moins convivial, moins interactif que celui proposé par son rival américain.

Technique

Pour un amateur de conduite et de technologie, la seconde génération du RDX représente un pas en arrière. Le retrait du quatre-cylindres suralimenté par turbocompresseur au profit d'un V6 à simple arbre à cames, le passage d'une direction à assistance électrique plutôt qu'hydraulique et, surtout, l'élimination du rouage à quatre roues motrices (SH-AWD) pour un système moins performant constituent autant de motifs pour regretter la première mouture. En revanche, cette seconde génération a quelques arguments pour nous faire oublier la précédente dont une suspension qui réagit moins sèchement aux (nombreuses) imperfections de nos chaussées québécoises. Le RDX a changé de vocation, mais si l'on prête foi aux chiffres de ventes, c'est pour le mieux.

Commercialisé depuis l'été, le MKC n'a pour ainsi dire aucun antécédent. En fait, si. Le multisegment compact de Lincoln emprunte une partie de son architecture technique à l'Escape de Ford. Pour se démarquer, le MKC adopte notamment une suspension adaptative qui permet de la paramétrer en fonction de ses besoins et préférences.

Pour animer le MKC, Lincoln étrenne un tout nouveau quatre-cylindres de 2,3 L suralimenté par turbocompresseur. Ce dernier se retrouve hélas à bord des versions les plus cossues. Le modèle d'entrée de gamme, lui, mise sur un 2 L turbo de 240 chevaux qui n'était pas offert au moment de ce duel.

Dans un cas comme dans l'autre, une boîte semi-automatique à six rapports relaie la puissance aux roues motrices. Comme Acura.

Conduite

Un RDX moins sportif face à un MKC qui n'a visiblement pas la volonté de chausser des espadrilles lui non plus, ce duel est parfait. Même si la cylindrée entre les deux diffère. En effet, à la douceur du V63,5 L d'Acura, Lincoln oppose une mécanique qui ne manque pas de tempérament. Le 2,3 L libère toute la puissance et le couple voulus, mais seulement, voilà, la boîte de vitesse souffre d'une gestion peu réactive et lente. Mais si le quatre-cylindres n'a rien à envier en vélocité au V6, il est étonnamment beaucoup plus gourmand. Dès lors et tout en considérant le prix que cette mécanique commande à bord du MKC, nous lui préférons de facto le 2 L qui, en plus, offre une capacité de remorquage supérieure au 2,3 L.

Au volant, le RDX offre un comportement rigoureux et un juste équilibre entre confort et tenue de route. Lincoln permet à l'aide de sa suspension adaptative un réglage plus fin encore, pour peu que celui ou celle qui se trouve au volant actionne le bon bouton - trois choix existent - pour se mitonner un comportement à son goût. Et ces boutons ont également une incidence positive sur l'expérience de conduite puisqu'outre la suspension, la direction et les changements de rapports sont assujettis à ce dispositif. Enfin, autre avantage non négligeable du MKC, son diamètre de braquage plus court qui lui assure une plus grande agilité dans les espaces restreints ou sur les terrains de stationnement.

Conclusion

Les RDX et MKC sont encore trop lisses pour se mesurer aux ténors de la catégorie. Même si l'Acura n'a plus la même audace, elle remporte tout de même ce duel face à une Lincoln auquel il manque encore quelque chose: un soupçon de piment.