Au Venezuela, pays où l'inflation flirte chaque année avec les 30 %, les véhicules d'occasion prennent de la valeur et se vendent invariablement plus cher d'année en année, une exception mondiale qui permet à certains d'en faire un commerce lucratif.

À Caracas, Alfredo circule dans une Ford Lariat de 1995. Une inscription peinte en blanc annonce qu'elle est «À vendre». Il espère en obtenir 8 000 bolivars, soit environ 1 860 dollars au taux officiel, une somme supérieure à ce qu'il avait déboursé pour l'acquérir trois mois plus tôt.

«Il n'y a qu'au Venezuela que le prix des voitures d'occasion augmente», souligne-t-il sous couvert d'un nom d'emprunt.

Au Venezuela, qui abrite les plus importantes réserves mondiales de brut et où un plein en station-service coûte à peine un dollar, les tarifs des véhicules d'occasion explosent, peu importe le modèle ou l'ancienneté. Un phénomène aggravé par une inflation qui a dépassé la barre des 25 % ces deux dernières années.

Depuis 2003, le contrôle des changes imposé par le gouvernement d'Hugo Chavez a rendu plus coûteuse l'importation de véhicules et de pièces détachées, ce qui a raréfié l'offre du neuf et dopé le marché de l'occasion.

Les vendeurs de voitures «doivent importer des véhicules avec les taux de change du marché noir. Cela fait grimper les prix, presque personne ne peut acheter du neuf, ainsi la demande et les prix du marché de l'occasion montent en flèche», explique à l'AFP l'économiste Jesus Casique.

En outre, selon l'expert, le gouvernement impose une limitation sur les bénéfices des concessionnaires de voitures neuves, alors que les vendeurs d'occasions sont épargnés.

Aujourd'hui, une Mitsubishi Lancer achetée d'occasion en 2006 pour 55 000 bolivars (12 800 dollars au change officiel) se vend plus du double.

Dans la périphérie des grandes villes, les parkings des concessionnaires sont généralement presque vides et les listes d'attente pour acquérir des véhicules neufs s'allongent.

Selon la Chambre de l'automobile du Venezuela (Cavenez), 120 689 véhicules neufs ont été vendus en 2011 - soit 8,2 % de moins que l'année précédente - un chiffre considéré comme faible pour une population de près de 30 millions d'habitants.

Face à cette situation, beaucoup de Vénézuéliens achètent des voitures en guise de placement financier et certains en tirent même d'importants bénéfices.

Alfredo est un ancien courtier de Caracas qui se consacre exclusivement à ce commerce depuis 15 ans.

En ce moment, il propose cinq véhicules à la vente, dont une Chevrolet Grand Blazer achetée 128 000 bolivars (29 800 dollars) il y a un mois. Grâce à son bagoût et quelques retouches, il compte la vendre pour 145 000 bolivars (33 700 USD).

«Si je place cet argent à la banque, il perd de la valeur ou j'en tire des intérêts très faibles. Mais ce commerce me permet de gagner 10 %, entre 8 000 et 10 000 +bolos+ (entre 1 860 et 2 300 USD), en quelques mois. L'idéal est d'acheter et vendre rapidement pour que la marge soit supérieure à l'inflation», explique-t-il.

Rocio, une journaliste de 27 ans, raconte que son père lui a offert en 2002 une Renault Symbol de 10 000 bolivars qui, 10 ans plus tard, vaut entre 60 000 (13 950 USD) et 90 000 bolivars (20 900 USD) sur le marché.

Elle songe aujourd'hui à la revendre pour «financer un troisième cycle à l'étranger», voire pour «aider à financer les études de (son) petit frère».

Mais elle réalise du même coup qu'il lui serait impossible d'en acheter une autre...