Il faut donc beaucoup de chance pour en croiser une sur nos routes. Et encore faut-il la reconnaître. À ce sujet, un automobiliste rencontré lors d'une pause nous a félicités de notre achat: «Elle est superbe, votre Thunderbird, je ne savais pas que sa production avait repris.» Une quoi? Une Aston Martin, monsieur! «Désolé, je croyais que le logo avec des ailes, c'était une Thunderbird...» En fait, il s'agit d'une Virage, la dernière née de ce constructeur britannique.

Hormis les «ailes» et le fait que son créateur ait fait partie du giron de Ford pendant de nombreuses années, plus anglaise qu'une Aston Martin, tu meurs. Cette sublime sportive facturée plus de 200 000$ requiert plus de 190 heures de travail.

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Dernier joyau d'une industrie automobile britannique tombée en décrépitude, Aston Martin appartient, avec les Ferrari, Maserati, Lamborghini et autres Porsche, au gotha de l'automobile.

On a peine à le croire. Fondée en 1913, cette marque a fait faillite sept fois et a connu autant de propriétaires. Conséquence, sa trésorerie a longtemps été chétive et le rythme de renouvellement de ses modèles, trop lent. Des histoires anciennes. Aujourd'hui, elle a retrouvé son indépendance et, depuis le tournant du siècle, elle révèle en moyenne un modèle ou une déclinaison nouvelle tous les 18 mois. La Virage est la dernière en date. Celle-ci vient s'intercaler entre la rageuse DBS, vedette mécanique du film Casino Royale, et la DB9, dont la première apparition remonte à 2004.

Avec la Virage, Aston Martin dépoussière une appellation disparue de son portefeuille de modèles il y a 15 ans. Cette fois, contrairement à la génération précédente, elle se décline dès le départ en deux styles de carrosseries: coupé ou cabriolet (Volante). Cette dernière sera, de l'aveu de ses concepteurs, la plus recherchée des amateurs.

Avec ou sans toit, la Virage s'habille de formes simples, dépouillées de trop encombrantes marques d'allégeance au passé. La calandre béante, reconnaissable entre toutes, la ligne fuyante des fenêtres et une discrète prise d'air latérale suffisent à marquer la filiation.

 

À la main

Construite à la main, la Virage, ce n'est pas seulement une fiche technique renversante, une technologie de pointe et une ligne à se damner. C'est aussi - et surtout - une âme, une élégance à nulle autre pareille. Face aux marques italiennes de renom au style parfois trop «m'as-tu-vu», elle oppose son sens de l'understatement, pour reprendre une expression anglaise. Ce qui lui vaut d'être confondu pour une autre...

Il suffit d'ouvrir les portières pour comprendre. Sur le seuil, une plaque métallique portant l'inscription «Handbuild in England» (construit à la main en Angleterre) donne une idée de ce que nous allons découvrir.

À l'exception de quelques commandes empruntées à la grande série, la trace de l'artisan est imprimée sur les formes et leur aspect apporte à cet intérieur un cachet inimitable.

Rien d'ostentatoire dans l'habitacle de cette auto, mais rien qui soit décadent non plus. La discrétion est de mise. La chaude sensation de volupté qui vous envahit quand vous vous installez à bord ne provient pas que de la splendeur des cuirs, des alliages ou des bois. Elle découle aussi de l'élégante sobriété des aménagements, du confort des fauteuils (avant) qui vous serrent comme une longue étreinte.

Au tableau de bord, pas de fonctions se recoupant à l'intérieur d'une molette à l'image des dispositifs I-Drive (BMW), MIME (Audi) ou Command (Mercedes). Que des boutons correctement identifiés que l'on actionne au besoin. Cependant, en faisant l'inventaire de toutes les commandes, on regrette l'absence de certaines d'entre elles. Par exemple, où sont les baquets réfrigérants? Les capteurs d'angles morts? Même les glaces refusent de monter d'un trait. Comment cela se peut-il sur une automobile de ce prix?

Autre question. On se demande par où doit-on caser nos jambes avant d'atteindre le moelleux des places arrière. Dans le coffre? Il y a assez d'espace, mais votre grosse Samsonite, elle, devra plier bagage.

 

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Construite à la main, la Virage, ce n'est pas seulement une fiche technique renversante, une technologie de pointe et une ligne à se damner. C'est aussi - et surtout - une âme, une élégance à nulle autre pareille.

Comme un gant

Avant de s'élancer, un coup d'oeil sous le capot. On y découvre un immense 12-cylindres de 6 litres et le nom de l'ingénieur responsable de l'inspection finale de la voiture inscrit sur une plaque, Bill Griffin. Au moins, on sait à qui s'adresser en cas de problème...

Bien calé dans son baquet, on desserre d'abord de la main gauche le frein d'urgence. Puis, de la main droite, on s'affaire à enfoncer la clé - une sorte de gros domino en métal chromé et en verre - dans la partie supérieure du tableau de bord. Musique! Les tuyaux d'orgue du V12 poussent leurs premières notes. Pas de levier à déplacer. Faites plutôt aller vos doigts sur les quatre boutons-poussoirs (P-R-N-D). Pour exploiter les six vitesses de la boîte, il suffit de tapoter les palettes du volant. À gauche, on escalade. À droite, c'est la descente.

Conformément au voeu de son constructeur, le V12 de presque 6 litres présente ici des caractéristiques de puissance et de couple qui le place à cheval entre la DBS et la DB9. Avec près de 500 chevaux sous le pied droit et un rapport poids-puissance très favorable, cette Aston Martin s'arrache plus qu'elle ne s'élance de sa position stationnaire. Pied au plancher, c'est une autre histoire. Le V12 gronde et catapulte la Virage à 100 km/h en un peu moins de 5 secondes. Les reprises sont à l'avenant.

L'esprit Grand Tourisme à l'anglaise qui habite cette Aston Martin recommande une conduite plus coulée. Tout l'art réside dans le passage des vitesses, qui doit s'opérer en douceur, sans le moindre à-coup. Menée avec doigté, elle reste un monstre de puissance et de maniabilité. Son châssis est moins affûté que celui d'une Mercedes SLS AMG, mais on se sent tellement plus à l'aise au volant de cette Virage au quotidien. La visibilité est étonnamment bonne pour une sportive et son diamètre de braquage remarquablement court en fait une compagne agréable lors de tournées urbaines.

Le confort représente également une surprise. Étant donné la hauteur du flanc (série 35) de ses pneus, cette anglaise absorbe calmement et sans se laisser distraire les irrégularités de la chaussée. Le silence est tout aussi remarquable. Les bruits de roulement inexistants. La conduite sur une voie rapide se caractérise par une grande décontraction. Elle se comporte avec une suprême élégance. Sportive? Non, pas au sens strict du terme. Même si elle n'apprécie guère, cette Aston accepte de se faire bousculer aussi, mais c'est beaucoup moins classe.

L'auteur tient à remercier le Château Taillefer Lafon de Laval.

ON AIME

Agréable au quotidien

Souffle du moteur

Assemblage à la main

ON AIME MOINS

Places arrière inutilisables

Plusieurs fautes d'équipements

Utilisation limitée

CE QU'IL FAUT RETENIR

Fourchette de prix: 224 100$ à 244 350$

Frais de transport et préparation: Variable

Version essayée: Coupé

Garantie de base: 48 mois / 80 000 km

Consommation obtenue dans le cadre de l'essai: 14 L/100 km

Pour en savoir plus: www.astonmartin.com

Moteur: V12 DACT 6,0 litres

Puissance: 490 ch à 6 500 tr/min

Couple: 420 lb-pi à 5750 tr/min

Poids: 1785 kg

Rapport poids-puissance: 3,64 kg/ch

Mode: Propulsion (roues arrière motrices)

Transmission de série: Semi-automatique 6 rapports

Transmission optionnelle: Aucune

Direction / Diamètre de braquage: Crémaillère / 11,5 mètres

Freins: Disque

Pneus: 245/35R20 - 295/35R20

Capacité du réservoir / Essence recommandée: 78 litres / Super

Photo Éric LeFrançois, collaboration spéciale

Pied au plancher, le V12 de 6 litres gronde et catapulte la Virage à 100 km/h en un peu moins de 5 secondes. Et les reprises sont à l'avenant.