Toyota semblait s'enfoncer dans la crise, hier, en étendant sur trois continents ses rappels de sécurité à des millions de véhicules. Plusieurs analystes de l'industrie automobile mondiale se demandent si le géant japonais va perdre son actif le plus précieux: la confiance de ses clients.

Jusqu'à récemment, Toyota était le premier de classe incontesté de l'industrie automobile, s'étant patiemment taillé une réputation enviée de fiabilité et de sécurité, à bon prix. Il lui faudrait un musée pour regrouper sous un même toit les prix de qualité et de fiabilité remportés par ses véhicules.

 

Sa réputation se mesurait même en dehors de son industrie. Exemple: en octobre 2009, au beau milieu de la crise mondiale dans l'automobile, Toyota a été l'unique constructeur automobile à se classer parmi les 10 plus grandes marques du top 100 annuel de la firme de marketing Interbrand, très loin au-dessus de Mercedes-Benz, BMW et Honda.

 

C'est durant cette année où toute l'industrie a perdu des revenus que Toyota a ravi à l'américaine General Motors sa couronne de No 1 mondial de l'automobile.

 

Mais depuis quelque temps, les enjeux de sécurité et de fiabilité qui touchent Toyota se suivent en cascade, alors que la qualité des américaines et des coréennes est meilleure que jamais.

 

Les pédales d'accélération suspectes (il y a eu des accidents mortels) de Lexus et de Toyota ont un impact tel que certains clients américains qui viennent d'acheter une Toyota refusent d'en prendre possession chez le concessionnaire, rapportait mercredi la revue Automotive News. Ils attendent que Toyota ait trouvé la solution.

 

En attendant, Toyota a suspendu ses ventes de huit modèles nord-américains et fermera six chaînes de montage ce soir, jusqu'à nouvel ordre.

 

«Cette décision sans précédent dans l'industrie automobile montre le sérieux de cet enjeu de sécurité», a écrit Michelle Krebs, une analyste chevronnée du marché automobile chez Edmunds.com. «On a commencé avec des tapis d'appoint; ensuite, c'était l'usure d'une pièce; nous voici maintenant devant un arrêt de production total. Je ne peux m'empêcher de penser que la crédibilité de l'entreprise est remise en question»

 

Expansion au dépens du contrôle de qualité

 

Plusieurs experts affirment que Toyota a peu à peu vendu son âme, il y a une dizaine d'années. À cette époque, Toyota s'est lancée dans une expansion rapide aux États-Unis, se lançant dans les grosses voitures et les VUS. Elle s'est ainsi éloignée du domaine d'expertise où elle est imbattable, les compactes et les intermédiaires, à la poursuite de GM et du 1er rang mondial. Les experts pensent que cette expansion s'est faite aux dépens du contrôle de la qualité qui a fait sa réputation et qui, justement, l'a amenée au premier rang.

 

Or, «il n'y a rien d'autre dans cette marque», a dit au Los Angeles Times John Wolkonowicz, spécialiste automobile chez IHS Global Insight. «La marque n'est pas bâtie sur l'élégance des voitures, ni sur une conduite exceptionnelle, ni sur la performance. Elle est bâtie sur la qualité et sur le coût d'entretien bas.»

 

Selon Shigeru Matsumura, analyste chez SMBC Friend Securities, les rappels récents «ont terni la réputation de qualité de Toyota, qui est à la base de sa force. Cela donne une nouvelle chance aux constructeurs comme General Motors.»

 

Mais les problèmes actuels de Toyota ne doivent pas être exagérés. Le constructeur japonais demeure une force formidable. Le nouveau président de Toyota, Aiko Toyoda, n'obsède pas sur la croissance. Il a promis de recentrer Toyota vers ses valeurs originales de qualité et de minutie.