Fritz Henderson, le patron de GM qui a été chassé du pouvoir mardi, devait s'adresser mercredi matin à la Guilde de la presse automobile, qui l'avait invité il y a des mois comme conférencier du petit-déjeuner inaugurant l'avant-première médias du Salon de l'auto de Los Angeles.

Mais comme il s'est fait mettre dehors, c'est le boss du marketing de GM, Bob Lutz, qui a joué les pompiers et qui s'est adressé à la salle bondée.

M. Lutz a dit qu'il refuserait de répondre aux questions concernant le congédiement de Fritz Henderson, ce qui n'a pas empêché les journalistes de poser la question: «D'un point de vue de relations publiques, est-ce que ce n'est pas un moment affreux pour perdre votre président?» s'est-il fait demander. M. Lutz, verbo-moteur notoire en temps normal, a répondu: «On va prendre la question suivante». Toute la salle a éclaté de rire, peut-on voir sur la vidéo de la conférence (cliquez ici, puis cliquez sur la vidéo «Bob Lutz»; amenez le curseur à la 45e minute pour entendre la question).



«Un moment particulièrement inopportun»


Durant son allocution, cependant, M. Lutz a décrit son ancien patron comme «le meilleur patron automobile pour qui j'ai travaillé», vantant son intelligence, sa connaissance du secteur et son gros bon sens. «Fritz Henderson a guidé General Motors à travers ce qui fut peut-être la plus difficile période de son histoire. Je pense que nous tous avons été surpris et toute l'équipe de General Motors, je crois, est sincèrement attristée des événements.»

«Je sais que vous voudriez tous savoir la vraie histoire de ce qui est arrivé chez GM (mardi)», a dit M. Lutz devant une assemblée de journalistes et de cadres de l'industrie automobile. «Je ne vous la donnerai pas. Je serai Monsieur Teflon pour ce qui est des questions sur Fritz. Vous devrez attendre mon prochain livre, que je publierai à ma retraite, dans plusieurs années», a-t-il dit à la blague.

Une fois les éloges funèbres terminées, M. Lutz a indiqué que les soubresauts à la haute direction ne changeraient pas le focus de GM: «Et le focus, c'est le produit. Parce qu'en réalité, le client achète un véhicule, pas une équipe de direction.»

Il a admis, en entrevue après son discours, qu'«il n'y a pas vraiment de bon moment pour faire ce genre de chose, mais dans ce cas-ci, ça arrive à un moment particulièrement inopportun». En effet, GM comptait sur le Salon pour mousser les ventes de ses produits et consolider ses progrès récents. Mais le congédiement de Henderson 24 heures avant l'avant-première réservée aux médias, fait en sorte que toute la presse automobile internationale, réunie au Salon de l'auto, écrit sur M. Henderson. Cela nuit énormément aux stratégies de communications et de marketing que GM avait préparées pour le Salon de Los Angeles.

Les fesses serrées

Le nouveau patron de M. Lutz, Ed Whitacre, président du conseil d'administration -et désormais président intérimaire- est pas mal plus épeurant que M. Henderson. Si vous étiez M. Lutz, vous marcheriez les fesses serrées vous aussi.

En effet, le conseil d'administration a retiré sa confiance mardi à M. Henderson, malgré les progrès considérables faits sous sa direction. Cela indique que M. Whitacre veut des changements plus profonds et plus rapides dans la culture corporative de GM.

M. Lutz n'a pas voulu se commettre au sujet de son avenir chez GM: «C'est le conseil d'administration qui décide si je reste ou si je pars», a-t-il dit au Detroit News après son allocution.

Juste après la démission de M. Henderson, mardi, certains observateurs se demandaient si M. Lutz pourrait lui succéder. Mais cette idée a perdu beaucoup de traction quand M. Whitacre s'est adressé aux employés par conférence vidéo, plus tard dans la journée.

Dans son allocution d'une trentaine de minutes qui s'est faite de vive voix et avec seulement quelques notes, M. Whitacre a indiqué que GM va prendre son temps pour chercher un nouveau président. Cela semble vouloir dire que le conseil d'administration cherche le successeur de Fritz Henderson à l'extérieur de GM. La quête du nouveau boss pourrait prendre jusqu'à un an, a dit M. Whitacre, ont dit des employés à l'Agence Bloomberg, qui a publié l'information hier.

Des sources ont dit au Detroit News que cette période risque plutôt de prendre trois ou quatre mois.



Un problème de rétention?


Le chasseur de têtes qui va obtenir le mandat de GM risque d'avoir une très bonne année financière: Fritz Henderson, qui était chef de la direction financière avant de se retrouver président, n'avait pas encore été remplacé par GM. En plus, GM vient de perdre le président et le chef de la direction financière de la filiale allemande Opel. Sans compter plusieurs autres cadres supérieurs qui sont partis pour d'autres cieux à la recherche d'emplois plus payants et moins stressants que chez GM.

Les mandats de recherche de cadres pourraient se multiplier si M. Whitacer décide que le changement de culture chez GM nécessite du sang frais... et quelques têtes qui roulent.

Mais en fait, Ed Whitacre, nommé chez GM en juin dernier par le gouvernement du président Barack Obama, est-il vraiment pressé de trouver un remplaçant à Fritz Henderson? Dès son entrée en fonctions, en juillet dernier, M. Whitacre en a mené très large pour un gars censé s'occuper juste du conseil d'administration. Cet homme avait auparavant dirigé durant des années la grande firme de télécommunications AT&T. N'est-il pas possible qu'il ait pris goût à l'industrie automobile en quatre mois? Assez pour diriger lui-même la restructuration pendant quelques temps et remodeler la direction de GM à son goût avant de nommer un président permanent?

Calife à la place du calife

Déjà, quand GM avait lancé sa fameuse campagne de publicité «Que le meilleur gagne», c'est M. Whitacre -pas M. Henderson- qui était apparu sur les écrans télé de toute l'Amérique du Nord, pour faire l'offre de «satisfaction garantie ou argent remis après 60 jours». Plusieurs avaient trouvé que M. Whitacre s'arrogeait un rôle relevant du président et chef de la direction.

Le Wall Street Journal avait aussi écrit que M. Whitacre, tout en appuyant publiquement M. Henderson, avait tenu en privé (à d'autres chefs d'entreprises) des propos critiques de la façon dont la restructuration était menée chez GM.

Ne soyez pas surpris si l'intérim de M. Withacre dure un certain temps.

Sources: GM.tv.com; Bloomberg News; Detroit News; AutoObserver.