Quand Ford va lancer la version 2011 de ses camionnettes Séries F Super Duty, il y aura un nouveau moteur diesel de 6,7 litres à turbo-compression sous le capot.

Ce moteur, qui renouvelle la gamme Power Stroke, est un très gros enjeu pour Ford. La firme à l'ovale bleu a déposé 111 demandes de brevets durant les deux ans qu'a duré sa conception et sa mise au point. Les Séries F de Ford dominent le marché des camionnettes en Amérique du Nord; elles sont No 1 au Canada depuis 43 ans et depuis 32 ans au Etats-Unis. Ford en a vendu pas moins de 33 millions en 60 ans.

 

C'est pourquoi tout changement à la motorisation de cette vache à lait commerciale est scrutée à la loupe avant d'être approuvée.

 

Pour la clientèle des Séries F, composée en grande partie d'entrepreneurs, de travailleurs autonomes et d'autres utilisateurs quotidiens qui l'utilisent comme deuxième (ou même seul) véhicule familial, la durabilité est le nerf de la guerre. Ces camionnettes sont aussi achetées par de grandes entreprises qui ont des parcs automobiles durement sollicités, dans la construction, l'exploration minière et les services publics, des domaines où la capacité de traction est d'importance première.

 

Ford affirme qu'elle s'appuie sur une clientèle de base de 9 millions d'utilisateurs dans ce segment lucratif, ce qui est considérable.

 

L'enjeu est particulièrement élevé parce que Ford, en ayant elle-même développé son propre moteur, s'extrait d'une relation d'affaires de longue date qui a mal tourné avec le fabricant de moteurs et de gros camions de transport Navistar.

 

Le nom de Navistar n'apparaît pas une seule fois dans les documents remis aux médias lors d'une conférence de presse internet tenue le 9 septembre. Mais en lançant son nouveau Power Stroke (et en cessant d'acheter ceux de Navistar pour ses Séries F), Ford tourne la page sur une dispute entre les deux compagnies au sujet de la responsabilité dans la garantie du moteur précédent. Cette dispute avait généré pas mal de mauvaise presse, mais Ford prétend malgré tout avoir conservé 60 % du marché de la camionnette de moyen service.

 

Le nouveau moteur sera fabriqué dès le printemps prochain à l'usine de moteurs de Ford à Chihuahua, au Mexique.

 

Selon l'ingénieur en chef du projet,Adam Gryglak, les ingénieurs sont partis d'une page blanche pour concevoir ce moteur, qui représente selon lui un tour de force technique. Le nouveau Power Stroke apportera des améliorations sur le plan du couple, de la puissance et de la consommation de carburant. Sur ce dernier point, les ingénieurs ont dû respecter les nouvelles normes de consommation, un peu plus sévères.

 

Selon M. Gryglak, la durabilité du nouveau moteur a été éprouvée par des essais reproduisant 250 000 milles à des régimes qui reproduisent tout usage imaginable. Ford affirme déjà qu'aucun autre constructeur automobile ne peut se vanter d'avoir autant de camionnettes sur la route ayant plus de 250 000 milles à l'odomètre que Ford.

 

Le moteur est coulé avec de la fonte à graphite vermiculaire, plus résistante et plus légère que la fonte grise ordinaire. Ce matériau a été utilisé avec succès par Ford dans le monde entier pour la production de blocs-moteurs, mais jamais pour une grosse camionnette. Il a fallu modifier la structure et la forme du moteur pour qu'il supporte les tensions accrues d'un diesel turbocomprimé.

 

Les ingénieurs n'ont pas voulu chiffrer la puissance et le couple officiels du moteur. Mais le magazine AutoObserver a rapporté la semaine dernière 400 chevaux-vapeur et 725 lives-pied de couple.

 

L'ancien moteur Navistar (un peu plus petit, à 6,4 litres) avait seulement 350 chevaux et 650 livres-pied de couple. Une génération antérieure de ce V8 avait eu certains problèmes de fiabilité et Ford et Navistar s'étaient chicanés sur la responsabilité d'assumer la garantie.

 

Dans le fond, chez Ford, on est probablement content, à long terme, d'avoir ramené à l'interne la fabrication du moteur. Cela prend des ressources et de l'argent maintenant, mais les moteurs diesels turbocomprimés représentent une vache à lait dont les profits n'auront plus à être partagés.

 

Les concurrents naturels de la Série F de Ford ont des moteurs moins puissants. Le Silverado HD et le GMC Sierra HD, de GM, sont équipés du moteur turbodiesel V8 Duramax (365 HP, 660 livres-pied de couple). Ce moteur est une coentreprise de GM et du japonais Isuzu.

 

Le Dodge Ram 2500/3500 a un moteur turbodiesel V6 fabriqué par l'équipementier américain Cummins (350 HP, 650 livres-pied de couple).

 



Sources : Ford Motor Company ; AutoObserver