Le gouvernement et les syndicats allemands vont devoir s'y faire, General Motors ne vendra probablement pas sa filiale européenne Opel à Magna International, parce qu'il veut garder une présence forte en Europe et parce qu'il ne veut pas que ses techniques de fabrication se retrouvent aux mains des Russes.

Voilà le dernier son de cloche qui tinte en Allemagne, dans la saga GM-Opel. Cette opinion vient d'un membre du parti au pouvoir à Berlin, Kurt Lauk, et est rapportée par l'agence de presse Bloomberg, qui se spécialise en information financière.

M. Lauk préside le Conseil économique, un regroupement de gens d'affaires, et il est un dirigeant du l'Union chrétienne-démocrate, le parti de la chancelière fédérale Angela Merkel.

«Je trouve impensable que le nouveau conseil d'administration de GM (à Detroit) accepte de transférer cet important savoir-faire aux Russes », a dit M. Lauk en faisant allusion au partenaire d'affaires de Magna, la banque russe Sberbank. Comme toutes les banques russes, elle a des liens étroits avec le Kremlin et, en plus, a comme client le constructeur automobile russe G.A.Z., que GM considère comme un concurrent sur le lucratif marché russe.

M. Lauk croit que conserver Opel (après l'avoir restructurée) serait une décision d'affaires « sage » de la part de GM. La firme de Detroit a construit des usines et accru sa présence en Russie ces dernières années ; elle y est actuellement le deuxième constructeur automobile en importance.

Les dirigeants du russe G.A.Z. ont indiqué récemment qu'ils n'étaient pas intéressés à acquérir la part (35 %) d'Opel que Sberbank veut acheter (l'offre de Magna et Sberbank stipule que chacune détiendrait 27,5  %, tandis que GM conserverait 35 % de la nouvelle Opel; les travailleurs seraient actionnaires à 10 %).  Mais cela semble ne pas avoir convaincu tout le monde.

Le conseil d'administration de GM commence demain (le 9 septembre) une réunion de deux jours. Une décision sur la vente d'Opel devait y être prise, mais plusieurs observateurs ont indiqué que cela pourrait être remis encore une fois à la prochaine réunion, cet automne.

Au printemps, alors qu'elle s'apprêtait à se déclarer insolvable, GM avait annoncé sa décision de vendre Opel (et sa marque jumelle, l'anglaise Vauxhall). Une lettre d'entente sans obligation avait été signée entre GM et l'équipementier automobile Magna, mais la situation financière de GM s'est grandement améliorée depuis sa restructuration. Et GM semble de plus en plus confiant de pouvoir restructurer elle-même Opel, ou avec l'aide d'un partenaire moins invasif que Magna et son encombrant banquier russe.

Ce partenaire pourrait être le holding belge RHJ International, que GM préfère à Magna depuis que Sberbank est apparu dans le portrait.

Le gouvernement allemande a rapidement mis tout son poids derrière l'offre de Magna, notamment parce que l'équipementier canadien promet de ne pas couper d'emplois. Et l'Allemagne (un pays où l'appui des syndicats est important) est en ce moment même en campagne électorale. Les effectifs d'Opel en Europe sont de 55 000 personnes, dont 25 000 en Allemagne.

Mais M. Lauk dit maintenant que l'Allemagne a jeté son dévolu sur Magna « beaucoup trop vite».

«Si les Russes devenaient copropriétaires d'Opel, ils obtiendraient un accès beaucoup plus rapide aux méthodes de fabrication de petites voitures de GM, a-t-il ajouté. Je suis certain que ça poserait un problème fondamental au conseil d'administration de GM. »

M. Lauk est un homme d'affaires influent qui, selon l'agence Bloomberg, a déjà siégé aux conseils d'administration de DaimlerChrysler et de Audi.

Le gouvernement fédéral allemand a déjà prêté 1,5 milliards d'euros pour garder Opel en vie en attendant que son sort soit réglé. Berlin et quatre gouvernement provinciaux offrent de soutenir la vente à Magna en y injectant 4,5 autres milliards. Les gouvernements des provinces sont hostiles à la vente à tout autre acheteur que Magna et certains premiers ministres provinciaux ont prévenu GM qu'ils n'aideront financièrement Magna, mais personne d'autre.

GM a récemment commencé à demander l'aide financière d'autres pays où Opel a des activités, comme l'Espagne et la Grande-Bretagne.

Les négociations et les tractations de coulisses s'éternisent au sujet d'Opel et plusieurs politiciens et syndicalistes ont exigé que GM prenne une décision durant sa prochaine réunion du conseil.

Mais l'industrie automobile est une institution quasi-publique en Allemagne, et la vente des firmes dans ce domaine prend souvent des allures d'intrigue de palais et de roman-feuilleton qui s'étirent sur des mois, voire des années.

Ainsi, l'acquisition de Porsche par Volkswagen, qui s'est décidé il y a quelques semaines à peine, a été une saga de cinq ans.