Comme il semble que GM n'a vraiment pas envie de vendre sa filiale européenne Opel à l'équipementier canadien Magna, le gouvernement allemand serait prêt à mettre de l'eau dans son vin pour que survive le troisième constructeur automobile d'Allemagne.

C'est du moins ce que rapporte le journal allemand Bild, selon qui Berlin s'ouvrirait quelque peu à la vente d'Opel au holding belge RHJ International. Le gouvernement allemand, qui poussait très fort pour l'offre de Magna, pourrait maintenant accepter l'offre rivale de RHJ si ce dernier déniche un partenaire bien établi dans le secteur automobile.

L'article du journal Bild (traduit et relayé par l'agence de presse Reuters), cite des sources anonymes, non confirmées par l'État allemand.



Bild est une publication déroutante, qui privilégie les histoires sur les Ovnis, le monstre du Loch Ness, le soccer et la sexualité des starlettes de cinéma. Mais le tabloïd de Dusseldorf (qui a une version en anglais) sort aussi de véritables scoops, parfois, si bien que ses manchettes sont régulièrement relayées par les agences de presse internationales.

Les négociations sur la vente d'Opel par GM traînent depuis des mois. Elles sont compliquées par le fait qu'Opel est déficitaire et que l'État allemand devra avancer jusqu'à 4,5 milliards d'euros (7 milliards de dollars canadiens) au repreneur pour sauver Opel et les emplois de ses 25 000 employés allemands.

Magna pas la seule capable de relancer Opel

Au printemps, GM et Magna avaient signé une entente de principe, mais GM s'est ravisé et affiche sa préférence pour l'offre de RHJ.

Jeudi, un premier ministre provincial concerné par les négociations a déclaré que Magna International n'est pas nécessairement le meilleur acheteur d'Opel. «L'identité du propriétaire est d'importance secondaire», a dit au quotidien Rheinische Post Guenther Oettinger, premier ministre de la province de Baden-Wuerttemberg. «Je pense que Magna peut réussir, mais je n'exclus pas que d'autres en soient capables aussi», a dit le politicien, qui appartient au même parti (l'Union chrétienne-démocrate) que la chancelière d'Allemagne, Angela Merkel.

Mme Merkel et son ministre de l'Économie Karl-Theodor von Guttenberg ont depuis réitéré la préférence de Berlin pour Magna, mais la déclaration du premier ministre provincial a quand même ouvert une brèche dans la belle unanimité qui soudait jusqu'alors les politiciens allemands.

Des observateurs ont spéculé que l'allié automobile de RHJ pourrait être Fiat, qui a tenté sans succès d'acquérir Opel au printemps dernier.

Les réticences de GM face à Magna International sont multiples, selon diverses sources citées des deux côtés de l'Atlantique.

Magna est un sous-traitant qui fait affaire avec tous les constructeurs automobiles et GM ne veut pas que la technologie d'Opel se retrouve dans les voitures de ses concurrents. De plus, Magna a beau être une firme canadienne qui fait affaire avec GM, son banquier dans la transaction est la russe Sberbank, qui ne cache pas son intention de refiler sa part d'Opel au constructeur automobile russe GAZ.



Simili-capitalisme russe et Guerre froide


Et GM n'aime pas l'idée d'être l'accoucheur d'un concurrent local en Russie, un marché automobile en pleine expansion où GM est déjà No 2.

Par ailleurs, les craintes de GM seraient aussi exacerbées par d'anciens réflexes de la Guerre froide, selon une analyse de l'agence de presse Associated Press publiée jeudi.

Dans les eaux glauques du nouveau capitalisme russe, toutes les firmes et banques d'importance ont des liens étroits avec le Kremlin, note l'agence AP.. Ce simili-capitalisme sous forte influence de l'État fait peut-être craindre aux dirigeants de GM que Moscou aît l'ambition de consolider la vétuste industrie automobile russe dans un champion national capable de concurrencer les constructeurs automobiles établis.

Des experts cités par AP estiment que les craintes de GM à ce sujet sont exagérées : Selon ces observateurs, GAZ ne survit qu'avec les subventions et les tarifs protectionnistes fournis par le gouvernement russe. Le constructeur né à l'ère soviétique est aujourd'hui confiné au segment des voitures les moins chères. GAZ est tellement en retard, avec sa technologie d'assemblage années 70, dit un expert cité par AP, qu'il lui faudrait au moins 10 ans pour s'approcher de la qualité de GM, même avec un transfert technologique d'Opel.



GM: champion de la négo


Lundi dernier, une source anonyme de GM a declaré à l'agence Reuters que la firme de Detroit songe maintenant à conserver Opel en finançant elle-même une relance de sa marque acquise en 1929.

Toutes ces conjectures et ces rumeurs - RHJ, Fiat et une relance par GM- pourraient n'être que des tactiques de négociations de GM, destinées à obtenir l'absolu maximum de l'acheteur et du gouvernement allemand, disent des personnes proches des négociations citées par Reuters.

Les Canadiens connaissent bien General Motors. Elle est moins bonne que jadis pour construire des autos, mais elle est sans pareil pour réussir une transaction et presser le citron jusqu'à l'ultime goutte avec un gouvernement.

Sources : Reuters ; Associated Press ; Rheinische Post ; Bild.