Les Américains planchent sérieusement dessus. Les Japonais viennent de l'adopter. Les Européens en ont tiré des bénéfices à la fin de l'hiver. La prime à la casse est en voie d'être adoptée dans la plupart des pays industriels. Au Canada, on l'évoque très peu, si ce n'est pas du tout. À tort? Ou à raison?

Les gouvernements européens ont été les plus généreux à l'endroit des consommateurs (voir tableau ci-contre). Avec des primes variant - selon les pays et les années-modèles - de 4000$ à 1600$ pour toute automobile délaissée au profit d'un véhicule neuf, l'industrie automobile a soufflé quelque peu sur le Vieux Continent. Ce genre de prime à la casse a réellement relancé les ventes.

 

Principal marché en Europe, l'Allemagne a connu une embellie dès février. Pas étonnant quand on sait que c'est le pays où on trouve la plus belle prime (4000$ à l'achat pour l'abandon d'un véhicule de neuf ans et plus). Résultat, les Allemands ont été deux fois plus nombreux que prévu à vouloir s'en prévaloir: 1,2 million de demandes enregistrées début avril.

En Italie, les immatriculations de véhicules neufs sont reparties à la hausse en mars dernier après 14 mois de baisse. Fiat a alors vu ses ventes augmenter de 6% et a particulièrement profité de la prime à la casse.

Le mois dernier en France, malgré des signes de ralentissement, la demande est restée très forte, surtout pour les petits modèles qui représentent plus de la moitié du marché et qui continuent de profiter pleinement de la prime à la casse. Le marché automobile français résiste grâce à l'aide publique.

L'Espagne à la traîne

À l'autre bout du spectre, l'Espagne, quatrième marché automobile européen, s'est dotée d'un plan d'aide au secteur automobile sans primes à la casse. Les chiffres d'avril dernier ont été encore catastrophiques. Les ventes ont reculé de 45,6% comparativement à avril 2008!

L'effet de ces primes masque cependant la particularité du marché européen, prévient Christian Navarre, professeur spécialiste de l'industrie automobile à l'École de gestion de l'Université d'Ottawa.

«Le marché européen s'est saturé et est resté relativement plat ces dernières années, explique-t-il. La reprise des ventes ne s'est pas faite lorsqu'attendue. La vie moyenne du parc automobile est alors passée de huit ou neuf ans à 11 ou 12 ans. Dans ce contexte ultraspécifique, la prime à la casse a du sens et a donné de bons résultats.»

En clair, l'instauration de primes vaut la peine lorsque l'on a un parc automobile âgé. «L'Allemagne avait le parc le plus vieux du continent», fait remarquer M. Navarre.

Et au Canada?

L'âge moyen du parc automobile canadien est aujourd'hui de 7,9 ans. «Ce qui est normal», commente le professeur. Compte tenu que ce parc n'a pas suffisamment vieilli, une prime à la casse serait moins efficace au Canada qu'en Europe, selon lui. Elle aurait un effet limité sur les ventes. Il n'y a pas suffisamment de voitures de plus de 10 ans au pays.

Logiquement, une telle prime serait envisageable dans deux ou trois ans. Mais est-ce que les gens vont délibérément laisser vieillir leur voiture?

«Avec un parc automobile relativement jeune et des consommateurs frileux, la prime à la casse n'a pas de sens au Canada», dit M. Navarre.

Pourtant, de la voix de son président, Ford Canada l'a vivement réclamée en mars dernier. Du même souffle, David Mondragon a aussi reconnu que ce n'était pas la solution première aux maux de l'industrie. Au même moment, le patron de PSA Peugeot-Citroën est allé encore plus loin en qualifiant ces primes d'«outil dangereux».

«Les primes à la casse sont utiles pour stabiliser les marchés, a dit Christian Streiff dans une entrevue à un journal allemand. Cela fonctionne bien dans les pays où les ventes ne se sont pas autant effondrées qu'en Espagne. (...) Mais quand les primes prendront fin, les temps ne seront pas faciles.»

Dans l'immédiat au Canada, celui qui veut se débarrasser de son véhicule âgé de 14 ans et plus peut recevoir 300$ du gouvernement fédéral. On sait qu'avec ce montant, l'objectif d'Ottawa n'est pas de relancer les ventes. Christian Navarre se joint néanmoins au concert de critiques qui jugent ce montant «ridicule»

 

Les primes dans le monde

Allemagne: 4000$ pour un véhicule de neuf ans et plus

Grande-Bretagne: 3500$ pour un véhicule de 10 ans et plus

Japon: 3000$ pour un véhicule de 14 ans et plus

Pays-Bas: 2750$ pour un véhicule de neuf ans et plus

Italie: 2350$ pour un véhicule de 10 ans et plus

France: 1600$ pour un véhicule de 10 ans et plus

Canada: 300$ pour un véhicule de 14 ans et plus