Face à un propriétaire (GM) complètement déstabilisé par la crise, Saab a perdu sa boussole. Affaiblie, la marque au griffon (hiéroglyphe de la marque) demande la protection des tribunaux dans l'espoir d'obtenir l'aide qu'elle ne recevra vraisemblablement jamais.

«Nous avons exploré et continuerons d'explorer toutes les options disponibles pour le financement ou la vente de Saab. Nous avons décidé qu'une réorganisation formelle serait le meilleur moyen de créer une entité réellement indépendante prête à investir», a promis Jan-Ake Jonsson, président et chef de la direction du constructeur scandinave dans un communiqué émis quelques minutes après le dépôt d'une requête enjoignant le tribunal de Vanersborg de le protéger de ses créanciers.

 

Dans sa réclamation, Saab prétend avoir essuyé une perte de quelque 360 millions de dollars l'an dernier, et estime qu'il en perdra tout autant à la fin de la présente année. Y a-t-il un intéressé dans la salle?



Mort annoncée


Ce triste naufrage était annoncé de longue date. Séduit par GM en 1999 qui se portait acquéreur de 50% de ses avoirs (l'autre 50% a été acquis l'année suivante), Saab avançait en roue libre depuis bien trop longtemps.

Faute d'avoir trouvé un partenaire créatif et sensible, le renouvellement de la gamme n'a jamais pu être assuré et la marque est en voie de s'éteindre pour de bon.

De fait, la baisse des ventes de Saab s'est brutalement accélérée avec la crise. Dans le monde, seulement 93 338 unités neuves ont été vendues en 2008, ce qui représente à peu près l'équivalent des ventes canadiennes réalisées par Mazda l'an passé...

Mardi dernier, lors de la présentation de son plan de restructuration destiné à prouver au Trésor américain qu'il reste viable, GM a indiqué qu'il ne subviendrait plus entièrement aux besoins de Saab et qu'il souhaitait que la Suédoise quitte sa maison d'ici le 1er janvier 2010.

Les plus optimistes diront qu'un nouveau chapitre de l'histoire de Saab va s'écrire sous nos yeux, mais plusieurs observateurs soutiennent plutôt qu'il s'agit de la rédaction de l'épilogue qui s'amorce. Si tel devait être le cas, le retrait de ce constructeur sonnerait le glas de l'une des marques les plus excentriques que l'industrie automobile a connues. Une petite marque qui occupe une petite place bien à elle dans notre mémoire collective.

Rappelez-vous, Saab a donc toujours fait ce que les autres ne faisaient pas: un moteur V4, des carrosseries à hayon, une clé de contact logée entre les baquets avant. Hélas, pour le constructeur de Trollhättan, son nouveau propriétaire ne partageait pas les mêmes vues et s'est plutôt ingénié à l'intégrer à son portefeuille de marques sans égard à sa spécificité.

Avec le recul, la stratégie de GM n'était pas totalement fausse. Le créneau de l'ingéniosité a rétréci depuis que les grands constructeurs, grâce aux plates-formes communes, occupent tous les segments de marché, même les créneaux, et réintègrent sous leur toit les petites productions qu'ils déléguaient jadis.



Le piège


De plus, le danger avec Saab, c'était de tomber dans le piège de la nostalgie. L'héritage aéronautique, la victoire au rallye de Monte-Carlo, le moteur suralimenté par turbocompresseur, le hayon arrière ouvrant. Des souvenirs qui remontent à la mémoire comme des bulles de champagne. Mais c'était le passé et GM, qui n'est à son aise que dans la production de masse, estimait avoir les ressources nécessaires pour faire de Saab une alternative crédible aux BMW et Audi de ce monde. Cette vision avait du bon, mais GM n'avait-il pas appris de ses erreurs passées, comme le fiasco qui a suivi le rachat de l'artisan anglais Lotus par exemple?

En revanche, la totale incompréhension du géant de Detroit face aux besoins de Saab est, elle, navrante et a sans doute précipité, bien au-delà de la crise, les roues du suédois dans la tombe. Historiquement, GM n'a jamais fait preuve de beaucoup de sensibilité à l'égard des marques «étrangères» et de leur force affective.

Pourquoi GM a-t-il acheté Saab? Seulement pour justifier son appétit de grandeur, car la multinationale américaine n'avait pas plus besoin de Saab pour attirer une clientèle férue de voitures européennes que de Saturn pour séduire les acheteurs de véhicules importés.

À Saab, le géant américain n'a octroyé qu'une seule «vraie» nouveauté: la 9-3, berline bourgeoise au charme légèrement suranné, mais excellente routière, et sa très réussie version SportCombi, qui connaissent un certain succès. Cependant, face aux Mercedes, Audi et... BMW en renouvellement permanent, les ventes s'essoufflent.

Alors, pour rendre plus sémillantes les braves 9-3 et 9-5, il faudra faire avec les moyens du bord. Offres promotionnelles à foison, pluie de séries limitées et replâtrages esthétiques. Au cours des dix-huit prochains mois, Saab aurait dû présenter trois nouveaux modèles: 9-3x, 9-4x et renouvellement de la 9-5. Les découvrirons-nous un jour?