Vous devez vous rendre du quartier Villeray à l'est de Westmount. Disons du marché Jean-Talon à l'intersection The Boulevard et Côte-des-Neiges. Deux possibilités s'offrent à vous : prendre l'avenue des Pins ou passer par le mont Royal. Pensez-y bien: l'un de ces choix augmentera significativement le risque de rage au volant.

C'est du moins la conclusion qu'on peut tirer des travaux de l'urbaniste américain Jack Nasar, de l'Université d'État de l'Ohio. M. Nasar a en effet découvert que le stress est beaucoup moins élevé chez les automobilistes qui empruntent des routes bordées d'arbres et de végétation, et ce, même si la congestion est élevée.

 

«Voir des arbres diminue de façon significative le stress de la conduite», explique M. Nasar en entrevue téléphonique. «On sait depuis plusieurs années que le contact avec la nature a un effet bénéfique sur l'humeur. Je voulais vérifier si cela s'appliquait aussi à la conduite, malgré la barrière que forment les vitres et la route. Le fait que l'effet soit encore là montre que la simple vue de la verdure calme.»

L'urbaniste a présenté à une centaine de cobayes trois vidéos filmées du siège d'un automobiliste durant une randonnée. La végétation le long de la route allait de luxuriante à inexistante des garages et des entrepôts. Pour faire bonne mesure, la circulation était beaucoup plus importante dans la vidéo contenant le plus de verdure.

Les cobayes ont ensuite passé un test visant à mesurer leur frustration des anagrammes qui, parfois, ne fonctionnaient pas. Les sujets qui avaient «conduit» dans une route bordée d'arbres et de végétation étaient beaucoup plus patients, et donc moins stressés par la conduite.

En réfléchissant aux conséquences de l'étude de M. Nasar, on ne peut s'empêcher de penser au tollé causé il y a quelques années par la décision du gouvernement français de couper les platanes le long des routes pour réduire la mortalité lors des accidents. De nombreuses cartes postales montrent une route au-dessus de laquelle se rejoignent les frondaisons des arbres, un symbole de romantisme qui, à bien y penser, est plutôt étrange compte tenu qu'il s'agit d'un endroit où circulent des voitures.

La différence entre le réseau moder ne d'autoroutes aux États-Unis et les «parkways», construites plus tôt, est également frappante. «Les parkways étaient conçues pour l'agrément, explique M. Nasar. Il y avait un couvert végétal vertical de chaque côté, et aussi au centre entre les deux directions.»

Le président américain Franklin D. Roosevelt, qui a supervisé un certain nombre de ces parkways, était lui-même un amateur de ce type de promenade.