L'histoire du motocyclisme est parsemée de modèles marquants, dont bon nombre sont signés Honda. Pour cette raison, on s'explique d'ailleurs mal l'attitude relativement passive démontrée ces dernières années par la division moto de ce constructeur, qu'on appelle pourtant le Géant rouge. Si la nouvelle Fury 2010, qui vient tout juste d'être annoncée, ne renverse pas complètement la situation, elle représente néanmoins une preuve roulante que l'audace ayant fait la réputation de Honda habite encore bel et bien la culture de la compagnie.

La Fury surprend à plusieurs égards. Elle étonne d'abord parce que son style chopper, reconnaissable au premier coup d'oeil, est très prononcé, du moins pour une moto de grande production. Quelques modèles comme la Yamaha Raider et la Harley-Davidson Rocker ont déjà commencé à jouer sur la popularité actuelle de ce genre de customs - popularité due, rappelons-le à l'immense succès d'émissions tournant autour du thème du chopper -, mais ni l'une ni l'autre ne l'a fait avec un style aussi poussé que celui de la Fury.

 

Les «véritables» choppers sont typiquement des motos de fabrication complètement artisanale, et parfois des modèles de série profondément modifiés. Leur but n'a rien à voir avec la performance ou la fonctionnalité, et tout avec le style du produit final, celui-ci se voulant le reflet de la créativité, de la personnalité et de l'état d'esprit du concepteur. On les perçoit d'ailleurs souvent comme des sculptures roulantes, une définition absolument juste.

Dans le cas de la Fury, un angle de fourche extrême de 38 degrés, un interminable empattement de 1808 mm et une partie supérieure du cadre inhabituellement surélevée constituent les principaux éléments de style responsables du thème chopper. Évidemment, quiconque a visionné ne serait-ce qu'un épisode d'American Chopper sait fort bien que ce genre de moto peut facilement afficher une ligne encore beaucoup plus extravagante. Mais dans l'univers de la grande production, la Fury reste un design qui repousse les limites.

L'autre aspect étonnant de la Fury est qu'il s'agit d'une Honda, une compagnie bien plus réputée pour son côté conservateur et responsable que pour une quelconque attitude rebelle. Le contraste, qui est d'ailleurs tout à fait volontaire, illustre de manière claire que sans renier ses origines, le constructeur nippon souhaiterait bien qu'on commence à le percevoir de façon un peu moins rigide, à tout le moins en ce qui concerne sa division moto.

Le défi de la Fury est ainsi d'arriver à créer une image un peu plus dégourdie pour Honda, sans pour autant compromettre le côté fonctionnel qui fait aussi partie intégrante de la réputation de ses produits. Selon le constructeur, la géométrie extrême du châssis ne l'aurait pas empêché d'arriver à garder un certain équilibre au chapitre de la tenue de route. On remarque d'ailleurs qu'il a choisi de limiter la largeur du pneu arrière à 200 mm plutôt que d'ouvrir la porte aux problèmes qu'amènent les pneus de 240 mm à 300 mm - et plus! - communs chez ces motos, tandis que les 300 kg du modèle représentent une masse semblable à celle de la VTX1300, d'où provient d'ailleurs le V-Twin de 1,3 litre, en version injectée.

Selon Honda, la Fury, qui est un modèle 2010, sera disponible à temps pour l'été 2009. Son prix reste indéterminé pour le moment.

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la moto.