Aucun constructeur mondial n'aura échappé en 2008 à la tourmente qui s'est emparée du marché automobile et l'année qui vient pourrait se solder par du sang et des larmes, même avec les secours publics débloqués en faveur d'une industrie riche en main d'oeuvre.

Les deux géants General Motors (GM) et Chrysler, au bord de la faillite, ont obtenu in extremis à Washington un prêt de 13,4 milliards de dollars des pouvoirs publics, à condition qu'ils engagent avant fin mars des plans de restructuration drastiques.La crise du crédit aura été cruelle pour les «Big Three» de Detroit, GM, Chrysler et leur concurrent Ford, dans un contexte où les banques rechignent à prêter aux consommateurs. Mais elle n'a fait qu'accélérer les déboires de constructeurs qui ont commis l'erreur de produire des véhicules trop gourmands en essence en période de hausse des prix du pétrole.

Mais même avec l'aide de l'Etat à une industrie qui emploie un ouvrier sur 10 aux Etats-Unis, «un dépôt de bilan de l'un des constructeurs reste tout à fait possible», avertit l'analyste Gregg Lemos Stein, de l'agence de notation financière Standard & Poor's.

Leurs problèmes structurels ne se résoudront pas en un jour, et les constructeurs sont de toute façon confrontés à une baisse inédite de la demande à la surface du globe.

«On aurait du mal à trouver une région du monde qui ne soit pas soumise à forte pression», observe M. Lemos Stein.

En Europe comme en Asie, les constructeurs doivent recourir au chômage technique face à une baisse des ventes qui a largement dépassé les 40% dans de nombreux pays durant les derniers mois.

En France, le président Nicolas Sarkozy a annoncé une prime à la casse de 1.000 euros pour soutenir le renouvellement du parc automobile et a promis un plan d'aide au secteur d'ici à fin janvier.

Les pays émergents ne sont pas épargnés par la crise, particulièrement le Brésil, et même la Chine où la hausse du marché atteignait encore 20% à 30% ces dernières années et où les immatriculations ont chuté de 10,3% en novembre.

Après avoir reculé de 2,6 millions (3,7%) en 2008, les ventes mondiales de voitures devraient baisser encore de 3,5 millions en 2009, soit un repli de 5,1%, à 63,5 millions de véhicules vendus, selon le cabinet Global Insight.

«On n'a pas encore touché le fond. Les mauvaises nouvelles continuent à arriver», observe Rebecca Lindland, analyste de Global Insight, qui ne s'attend pas à une reprise avant 2010.

«L'Europe reste en phase d'entrée en récession et les marchés émergents continuent à ralentir et on ne sait pas quand ce ralentissement s'arrêtera», fait-elle valoir.

La crise entraîne une redistribution des cartes au niveau mondial, Toyota étant ainsi en passe de devenir numéro un du secteur devant General Motors, tandis que Volkswagen a déjà ravi à Ford la 3e place du classement.

Signe des temps, Ford a dû se résoudre à vendre les prestigieuses marques britanniques Jaguar et Land Rover à l'indien Tata et pourrait céder le suédois Volvo. GM envisage de vendre Saab.

Mais les difficultés financières troublent le jeu: GM a renoncé à fusionner avec Chrysler et, en Allemagne, Porsche a dû faire de même avec Volkswagen. Ces mêmes problèmes de liquidités risquent de freiner la mise au point de nouveaux modèles moins gourmands.

Au Japon, même le tout puissant Toyota a annoncé qu'il subira la première perte d'exploitation de son histoire lors de l'exercice 2008-2009. Ses compatriotes Honda et Nissan ont lancé des avertissements sur bénéfices aux investisseurs, comme l'a fait l'allemand BMW.