Première question: le Flex convaincra-t-il les consommateurs de rouler différemment? Peut-être, si on se fie aux commentaires recueillis au cours de cet essai. «Eh! t'as vu ça? Qu'est-ce que c'est?» «Vous avez déjà un Flex? Ça coûte cher?» Et la meilleure: «Sûreté du Québec, monsieur... Non, non, pas d'infraction; on voudrait juste regarder votre auto... Ça roule comment?»

Questions, exclamations, yeux écarquillés, pouces levés... L'émotion que provoque le nouveau multisegment de Ford sur son passage fait sourire.

Ford a-t-il poussé l'audace jusqu'à la caricature? Le Flex intrigue, c'est certain, mais il n'a pas le côté baroque qui a condamné l'Aztek, premier multisegment américain. Quoi qu'il en soit, le client sera le seul juge. Alors, vous le trouvez comment?

Posséder un véhicule peut être une affaire d'image pour son propriétaire; le fabriquer peut également flatter l'image de son constructeur. Ici, le danger pour Ford était de débarquer dans le créneau des multisegments avec un véhicule aux formes déjà vues de camion. En revanche, l'inertie de l'image se révèle terriblement tenace. Il faut plusieurs années pour modifier le regard du public.

En amalgamant ainsi deux boîtes à chaussures, une petite et une grande, les stylistes de Ford tentent de briser le miroir et amènent leur employeur à frapper (très) fort, quitte à prendre un gros pari commercial. Ça ne marchera jamais, dites-vous? Peut-être, mais dans le cas contraire, soyez assuré que cette ligne atypique entrera dans les moeurs d'ici quatre ou cinq ans.

En partie fourgonnette, en partie utilitaire, en partie monospace, le Flex, un peu plus long que le Taurus X (toujours au catalogue), réunit très confortablement six ou sept personnes sous un grand toit peint en blanc ou en gris à la Mini (c'est 500$), qui peut être doté de trois lucarnes (Vista Roof) moyennant un supplément de 1750$.

Les très longues portes s'ouvrent largement sur un habitacle des plus invitants, la carte maîtresse du Flex. Il tient d'abord à son habitabilité - carrément royale à l'arrière - mais aussi à ses sièges larges et moelleux, à faire rougir ceux d'une Lincoln.

Avant de faire l'inventaire des innovations proposées, un mot sur la qualité de fabrication: superbe. On a rarement vu un souci du détail aussi marqué chez un constructeur généraliste. Il y a bien sûr la précision des accostages et l'élégance des matériaux, mais il y a aussi le grain du cuir (de série dans la Limited), les repose-pieds pour les occupants de la deuxième rangée et l'éclairage ambiant. Tout cela concourt à rendre l'atmosphère des plus agréables et à faire du Flex un compagnon de voyage idéal. Il le sera d'autant plus si vous consentez à débourser les sommes suivantes: système de divertissement DVD aux places arrière (de 1200$ à 2500$ selon le nombre d'écrans); navigation avec dispositif de reconnaissance de voix et caméra arrière (2500$), et réfrigérateur (500$), un vrai, avec compresseur.

Sortons la calculette, pour voir. En cochant toutes les options mentionnées jusqu'ici et en ajoutant le prix de détail suggéré et les frais de transport et de préparation, la facture grimpe à plus de 50 000$. C'est cher, mais face à ses rivaux, le Flex représente une aubaine. À condition bien sûr de ne pas se laisser endormir par le représentant des ventes.

La beauté intérieure du Flex ne devrait cependant pas nous faire oublier que ses créateurs ont manqué d'imagination quand est venu le temps d'intégrer plus de rangements accessibles et pratiques (à l'avant), de dessiner des commandes plus intuitives et d'aménager un meilleur accès aux places de la troisième rangée. À propos, cette dernière offre un espace comparable à celle de ses concurrents; elle est donc réservée prioritairement aux enfants. Quant au coffre, son volume utile est appréciable, mais il est pénalisé en hauteur et en largeur par rapport aux autres véhicules de la même catégorie.

Avant de prendre la route, rappelons que la carrosserie du Flex couvre une architecture technique similaire à celle du Taurus X. Plus long que tous les véhicules de cette catégorie, le Flex est toutefois «court sur pattes» avec une hauteur hors-tout de 1726 mm comparativement à 1849 mm pour un GMC Acadia, par exemple.

Confortablement assis dans ce palace roulant, on ne pense déjà plus aux lignes extérieures inusitées. Et on les oublie carrément en prenant la route.

Pour la sécurité sur la route, cette Ford est franchement au-dessus de la mêlée. Jamais sans doute les éléments suspenseurs de cette plateforme née chez Volvo n'ont aussi bien joué leur rôle. Les inégalités sont impeccablement filtrées (un peu sèchement, selon nos passagers), sans les bruits parasites qui bourdonnaient à l'arrière. Là, il ne reste qu'une grande impression de confort, mais avec des sensations de conduite précises.

Même optimisation pour la direction, qui assure un toucher de route clair et une assistance correctement dosée sur l'autoroute. En ville, c'est une autre histoire. Le Flex vous paraîtra lourd, empesé et impossible à garer du premier coup en raison d'un diamètre de braquage très prononcé.

La marge de sécurité en matière de tenue de route est telle que le moteur paraît tout juste suffisant. Le V6 de 3,5 litres et 262 chevaux permet au Flex de rouler sur de longs et plats rubans d'asphalte à vitesse stabilisée sans problème et avec sobriété (nous avons enregistré une moyenne de 10,6 L/100 km sur ce type de parcours).

Par contre, sur un faux plat ou en reprise, ça se gâte. Surtout si toutes les places à bord sont occupées et que le coffre est rempli à ras bord. La boîte automatique à six rapports est partiellement en cause car, en dépit de sa gestion électronique adéquate, son levier ne se laisse guider manuellement que sur deux rapports: L (Low) ou D (Drive). Autre possibilité: pousser le bouton de la surmultipliée, là, sur le levier, mais ça ne changera guère la situation.

Étonnamment dynamique compte tenu de sa taille, le Flex nous rappelle très vite qu'il n'est pas un coursier. Le sous-virage se manifeste très tôt et le freinage, difficile à moduler, perd rapidement de son efficacité lorsqu'on le sollicite trop.

Même si Ford n'a visiblement pas eu le sens du timing en lançant un véhicule aussi massif en pleine tourmente pétrolière, ce véhicule mérite considération de la part des automobilistes désireux de tracter une lourde charge (capacité maximale de 2041 kg) ou encore d'emmener confortablement toute la petite famille en vacances sans devoir accrocher une citerne derrière. Dans ces cas-là, ça pourrait marcher.