Pour beaucoup de conducteurs, l'un des plaisirs associés à une voiture neuve est son odeur. Sa disparition, au fil des mois, s'accompagne de regrets. C'est un peu comme l'odeur d'un bébé pour des nouveaux parents.

Ces dernières années, l'«odeur de char neuf» a été une source de controverse. Selon un rapport du groupe de pression américain Ecology Center publié en 2006, cette odeur rend les voitures «toxiques à quelque vitesse que ce soit» - un commentaire inspiré du titre d'un célèbre ouvrage des années 60, Unsafe at Any Speed, du défenseur des droits des consommateurs Ralph Nader.

L'attention portée à la qualité de l'air dans les voitures est la conséquence logique d'études sur les édifices, et en particulier sur les maisons mobiles. «Les composés organiques présents dans l'air intérieur sont l'une des causes du «syndrome de l'édifice malade»«, explique Florian Mayer, chercheur à l'institut Fraunhaufer de Valley, en banlieue de Munich, en Allemagne. «Comme il y a proportionnellement plus de surfaces synthétiques, par rapport au volume d'air, dans les voitures que dans les résidences, il était inévitable que la question surgisse: la qualité de l'air y est-elle adéquate?»

Le problème principal est l'absence de normes sur la quantité de composés volatils dans le secteur résidentiel. Certaines de ces substances sont «potentiellement cancérigènes», tout comme des milliers de substances avec lesquelles nous sommes fréquemment en contact sans nous en inquiéter outre mesure. Des chercheurs japonais qui ont étudié une centaine de modèles de voitures ont découvert que les taux dépassent des normes proposées en 1995 par un toxicologue américain, mais seulement dans les premières semaines après l'achat. Une étude allemande a étudié l'effet de l'air des voitures neuves sur des cellules humaines, et a découvert un petit effet sur le système immunitaire, ce qui indique que les personnes souffrant d'allergie pourraient en pâtir.

Par contre, ces études ont eu lieu à des températures dépassant 30°C, parce que les sièges et les tableaux de bord ne relâchent leurs molécules qu'à haute température. Les automobilistes québécois ne doivent donc s'inquiéter que s'ils achètent leur voiture en été. De plus, ouvrir les fenêtres - une réaction courante par temps chaud - enraye le phénomène néfaste.

L'étude japonaise, la plus exhaustive jamais réalisée puisqu'elle comporte un grand nombre de modèles et les suit pendant plusieurs mois, présente quelques autres points intéressants. Les purificateurs d'air (les fameux petits sapins) augmentent légèrement la toxicité de l'air des voitures neuves, tout comme les stationnements intérieurs - quand la voiture est garée dehors, les multiples interstices permettent de renouveler l'air intérieur. De la même manière, les automobilistes qui conduisent peu (moins de 15 kilomètres par jour) renouvellent moins l'air. Les voitures de luxe sont aussi plus toxiques, parce qu'elles sont plus souvent garnies de cuir, plus néfaste que le polyuréthane à cause des produits chimiques utilisés dans les tanneries. Les chercheurs ont même été capables de déceler des produits toxiques, notamment des insecticides, déposés par les vêtements des passagers sur les sièges des voitures.

Le professeur Mayer, lui, renverse le problème. «Nous visons à déterminer quelles molécules sont les plus importantes pour l'odeur de voiture neuve que les automobilistes apprécient tant. De cette manière, nous pourrons déterminer quelles molécules potentiellement néfastes peuvent être enlevées sans nuire à l'industrie. Cela dit, rares sont les personnes qui vont acheter une voiture seulement à cause de ce facteur; on voit plutôt des gens qui n'achètent pas une voiture parce qu'ils n'aiment pas son odeur.»